IAMX + Ductape @ Le Trabendo - Paris (75) - 21 mai 2025

Live Report | IAMX + Ductape @ Le Trabendo - Paris (75) - 21 mai 2025

Pierre Sopor 23 mai 2025

Le public parisien n'a pas eu à attendre longtemps pour retrouver IamX, Chris Corner se produisant il y a à peine plus d'un an et demi dans ce même Trabendo. L'artiste n'est pas spécialement rare et avait également proposé un show solo à Petit Bain en 2022... On s'y rend comme d'habitude sans trop savoir à quoi nous attendre, les performances scéniques de Corner n'étant pas franchement prévisibles. Les échos sur cette tournée parvenus à nos oreilles étaient très positifs (on vous racontait il y a quelques jours la date à Oberhausen) et on se prenait alors à espérer non seulement y voir quelque chose, mais en plus, peut-être (soyons fous !), reconnaître les morceaux que le facétieux artiste aime tant tordre en live selon son humeur ! Les choses, en tout cas, commencent très bien puisque la première partie de cette soirée organisée par Persona Grata était assurée par Ductape.

DUCTAPE

Apparu il y a environ cinq ans, le duo turc de darkwave connaît une ascension fulgurante dans nos petits cœurs. Depuis la sortie de l'album Echo Drama l'an dernier, Çağla Güleray et Furkan Güleray sont partout. Leur rythme de sortie est soutenu et ils s'incrustent sur plusieurs événements dédiés aux musiques sombres, que ce soit en festival, aux côtés d'autres étoiles noires montantes comme Aux Animaux ou d'artistes bien établis comme She Past Away ou, évidemment, IamX.

Quand on s'est déjà laissé emporter par la mélancolie synthétique de leur musique, on est en droit d'avoir des préjugés : on imaginait des gens très minimalistes qui vont tirer la gueule sur une scène en noir et blanc en se dandinant mollement, tout le poids de l'existence écrasant leurs épaules comme l'exige le genre. On se préparait d'ailleurs à remuer lentement nos carcasses en fixant le sol avec tristesse en se disant que c'est ça qu'on veut faire pour le reste de notre vie, tout en espérant que celle-ci ne dure pas trop longtemps non plus... eh bien, en fait, que nenni ! Niet ! Que Dalle ! Ductape en live, c'est sacrément vivant et ça se trémousse avec conviction ! 

La performance tient beaucoup à l'implication de Çağla Güleray, dynamique et charismatique. Elle virevolte, échange avec son public et arpente la scène avec énergie. Des titres comme King, Fire, Anafor ou Veil of Lies se prêtent bien à des dandinements plus affirmés alors que Blue Black ou Ölüm Günüm plongent le Trabendo dans une mélancolie spectrale hypnotique et addictive. La guitare de Furkan Güleray apporte du mordant aux synthés, le son oscille entre hommages nostalgiques et textures plus contemporaines : Ductape a assimilé les règles du genre et sait les réciter avec personnalité et pertinence. Le public, lui, apprécie et les applaudit comme il se doit. On les reverra très bientôt, c'est autant un espoir qu'une certitude !

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IAMX

Depuis la dernière fois, IamX s'est étoffé. Il y a un écran de plus sur scène, le line-up est composé de quatre personnes : l'omniprésent Jon Siren à la batterie, l'indispensable Janine Gezang et son énergie fofolle à la basse et Sarah Pray aux claviers accompagnent le maître de cérémonie... qui a changé de masque et opté pour d'étranges oreilles de lapin lui donnant une dégaine plus facétieuse et des airs de cauchemar Carrollien. Pour s'immerger pleinement, il faut plonger et IamX prend le temps de noyer son public dans son univers avec l'introspective The Ocean, une entrée en matière poétique plutôt lente mais judicieuse et qui, déjà, laisse entrevoir la puissance de la voix de Corner, très en forme ce soir. La mélancolie prend des tonalités épiques et cathartiques sur le refrain, la tension monte : ça va être bien.

Si IamX triture toujours sa musique en live pour jouer avec son public et donner aux morceaux de nouvelles dimensions, on ne peine pas non plus à les reconnaître ce soir. On apprécie le supplément de punch qu'apporte la batterie, donnant à certains titres une froideur industrielle nouvelle dont Disciple, par exemple, bénéficie tout particulièrement et provoque les premières secousses dans la salle. Le public a envie de remuer alors que les titres des récents deux albums Fault Lines servent d'entrée en matière, entre retenue atmosphérique et jaillissement d'émotions. Si en studio IamX ne nous avait pas spécialement surpris ces dernières années, la musique prend tout son sens en live et renoue avec ce plaisir ludique, cette étincelle de folie géniale et jouissive.

Et puis, soudainement, le voyage dans le temps : Corner replonge dans ses plus anciens titres, avec Sailor ou After Every Party I Die. La setlist de la soirée parcourt sa discographie avec équilibre, entre classiques (Spit it Out, The Alternative, Aphrodisiac) et surprises (Break the Chain et, surtout, The Great Shipwreck of Life). Sur scène, on grimace, on s'amuse, on joue, tout le monde passe un super moment. Chose assez rare pour être soulignée : on y voit, et même plutôt bien, alors que le Trabendo est recouvert de couleurs vives et variées. Corner, lui, n'arrête pas de nous dire qu'on est très beaux, preuve que même avec de belles lumières, il n'y voit rien à travers son masque.

De ce tourbillon d'extravagance, on croit distinguer cependant les contours de certaines règles. Par exemple, chez IamX, si vous voulez porter un pantalon, alors vous n'avez pas droit au tee-shirt. Et vice-versa. A moins que, alors que certains groupes se font piquer leur matos, eux se soient faits chourer leurs fringues à la laverie. On se marre bien et le show s'y prête, complice et rock'nroll. La salle explose avec I Come With Knives, au rendu très rock indus débridé et cathartique. On s'amuse jusqu'au (double) rappel : Bernadette, dans une version plus noise / indus, perd son côté cabaret mais une nouvelle forme de menace se greffe à sa nostalgie entêtante... jusqu'à ce que Janine Gezang ne vienne brailler comme une casserole dans le micro, faisant voler en éclat de rire l'humeur douce-amère imposée jusque-là par la musique. Il reste un dernier titre, Mercy, final sombre et torturé : IamX nous a bien amusés avec son chanteur monté sur ressort aux oreilles de lapin mais nous laisse avec quelques fantômes pour finir la soirée.

Si jamais vos sentiments envers IamX étaient mitigés, que ce soit au sujet des récents albums studio (rien de honteux, mais un brin prévisibles) ou des concerts (un brin trop... imprévisibles ?), c'était la soirée pour vous réconcilier avec le projet de Chris Corner. C'était un show tantôt touchant, tantôt délirant, libérateur et fou où l'échange avec le public était central. En réinventant ses classiques, le musicien continue d'insuffler la vie à des créations qui ne sont jamais figées dans le passé et peuvent trouver, au fil des ans, de nouveaux souffles. Cette démarche aussi passionnante que satisfaisante est associée à une générosité rafraichissante (en comptant les pauses entre les rappels, on approche des deux heures de concert) et une envie manifeste de continuer à partager et faire vivre ce répertoire. Allez, à dans deux ans pour la prochaine !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe