Déjà qu'en temps normal on n'a pas besoin de nous pousser trop fort pour que l'on aille se réfugier dans une cave humide, la perspective d'une soirée indus au Klub s'ajoutait au simple plaisir de respirer les vieilles pierres de cet illustre sous-sol, à l’abri de la lumière de la surface. Nous allions retrouver FauxX sur scène après la claque sans pitié qu'était leur récent album Anteroom (chronique) et ce soir le duo était accompagné d'1KUB et Lamara sur l'affiche, soit trois visions différentes autour de la musique industrielle.
LAMARA
Découvrir Lamara en studio est une sorte de feu d'artifice bizarre et un brin bordélique : assumant une approche totalement décomplexée, le groupe s'amuse et brasse large au niveau des influences. Si le chant expressif rappelle souvient les facéties de Mike Patton, il y a aussi un peu de J.G. Thirlwell dans cette façon de crooner, de coller des cuivres, de jouer avec des influences cabaret. Du Foetus, du Faith no More, mais aussi des échos de trucs de la fin des années 90 façon Marilyn Manson ou Rob Zombie. Voilà pour le cocktail, aussi chargé qu'amusant.
Découvrir Lamara sur la scène du Klub était une expérience qui ne rendait pas entièrement justice à leur univers. Comme souvent dans ces petites salles, la batterie a tendance à trop prendre le dessus. Dommage, on perdait une partie des subtilités de ce drôle de cirque auquel donnent vie les musiciens, très expressifs. Dans le public, le groupe a des amis qui se font entendre, au point, comme la batterie, de prendre beaucoup de place, brouillant les frontières entre public et scène. Lamara descend pour prendre un petit bain de foule alors que les copains s'incrustent sur scène, abolissant la frontière entre les deux. Lamara invite une chanteuse à les rejoindre pour Hurry Up, un titre très punk introduit par le thème de The Twilight Zone, puis change de guitariste et nous livre plus tard sa relecture du thème de Dune (la version avec une personnalité, celle de Lynch, quoi) enregistré dans le cadre d'une compilation hommage au réalisateur.
C'est théâtral, foutraque, assumé. La technique ne leur rend pas hommage, hélas, et on ne peut que deviner le potentiel de ce théâtre gentiment chaotique s'il était soutenu par des lumières dignes de ce nom... et un son qui rend hommage à la variété de morceaux.
FAUXX
On risque alors de se répéter avec FauxX : le duo se fait face, on sait que ça va cogner. Et justement, ça cogne. Le début du concert est un peu bizarre, les lieux ne permettant pas de changement d'ambiance lumineuse et le son tâtonne encore, il y a comme un flottement. Dans ces conditions, il y a alors deux solutions : continuer à se battre contre des moulins et ronchonner vainement contre les aléas de la vie... ou faire ce que l'on sait faire et donner ce que l'on a à donner aux personnes présentes. De toute façon, on ne va pas au Klub pour avoir une technique au poil. FauxX en a vu d'autres et se lance alors dans ce qu'ils savent le mieux faire : nous ratatiner la tronche.
Certes, la batterie de Job prend bien trop le dessus sur le reste et il n'y a absolument aucun spot de lumière pour mettre en valeur leur univers tortueux et violent. Mais ça le fait. Petit à petit, on se laisse aller, on s'amuse de la complémentarité entre ces deux types : Jok, planqué derrière sa tignasse, de profil, qui vocifère sous les voutes du Klub et, face à lui, Job qui cogne ses fûts avec, comme d'habitude, une démonstration de mimiques toujours aussi expressives. Pas besoin de lights, le vrai spectacle est là ! Ce qui frappe aussi, c'est la générosité qui s'en dégage malgré un dispositif scénique qui les coince tous les deux derrière leur bazar. Petit à petit, le Klub se chauffe, les musiciens se chauffent, et ça patate.
Le nouvel album de FauxX est plus énervé, plus rentre-dedans. S'il est difficile d'en apprécier toute la richesse ce soir, on peut bel et bien dire qu'on se fait rentrer dedans. Avec sa proposition singulière de musique industrielle faite par des mecs qui n'en écoutent pas plus que ça, FauxX a un potentiel explosif, entre ses synthés oppressants et sa batterie folle qui apporte des soubresauts organiques à la dystopie des machines. Ces deux-là peuvent tout casser, pour autant qu'on leur donne des choses à casser ! Ce soir, c'était roots, c'était brut, leur univers unique mérite mieux, mais ce n'est pas grave, ils ont fait leur job sans se laisser démonter, sans "fauxx semblant", avec authenticité et, malgré tout, le plaisir de jouer. La classe.
1KUB
Au Klub, 22h approche. Dans le public, certains se sont mis en condition à grands coups de verres au bar. On peut donc dire que là, c'est l'heure de... l'APER1KUB. Après l'avant-garde azimutée et la lourdeur apocalyptique des deux groupes précédents, 1KUB nous ramène tout droit dans les années 2000 avec son mélange metal indus / aggrotech / electro-punk haut en couleur. Y'a un mec qui a un chapeau zèbre. Y'en a un qui a un tee-shirt Horskh. Ça les rend sympathiques. Surtout, aucun n'a de batterie : des machines, des cordes, du chant, hop, 1KUB se retrouve avec le son le plus propre et respectueux de la soirée. En revanche, on n'y voit presque plus rien, pour l'ambiance boum-boum nocturne probablement.
1KUB a muté ces dernières années, leur EP NOIR paru en 2024 prenait une direction plus sombre et méchante que leurs deux albums. On ne va pas s'en plaindre, on va dire que c'était leur temps d'1KUBation... Des riffs rapides, des textes crachées en français, des beats technos qui secouent les popotins souterrains du Klub. 1KUB fait bien de jouer en dernier, c'est la formule d'after idéale pour faire la fiesta en fin de soirée. On repense alors avec nostalgie à des champions qui nous ont fait transpirer sous terre ces vingt dernières années : au fil des morceaux, on pense tantôt à la rugosité des débuts d'Herrschaft, à la folie mordante de BAKXIII, à la frénésie techno de Malakwa, à l'énergie de Wäks, aux poussées de fièvre de Moshpit. 1KUB partage ce goût pour le festif, l'agressivité et la crasse punk.
Alors que, des trois groupes à l'affiche ce soir, 1KUB était peut-être le moins "cérébral", il est aussi celui qui gagne le plus facilement l'adhésion du public grâce à sa formule immédiatement efficace qui se prêtait aux conditions techniques. C'est fun, c'est méchant, et 1KUB emballe des textes loin d'être neuneus dans un packaging bariolé accrocheur. Malin et bourrin à la fois, ces trois-là sont venus pour s'amuser. C'était une bonne conclusion pour se débarrasser des quelques fourmis et frustrations accumulées au cour de la soirée !
































