Chronique | Sexblood - Intimidating Visions

Pierre Sopor 7 mai 2024

Avec son premier album Teach Me To Cry paru en 2022, Sexblood posait les bases d'un univers fort fait de nostalgie, de références sinistres diverses et de gimmicks gothiques théâtraux. Du rock gothique accrocheur, efficace, fait avec passion et un respect certain des codes, en bref, l'idéal pour se rafraîchir les veines à la nuit tombée. Nous n'attendions absolument pas du groupe alsacien, fidèle à sa démarche, qu'il chamboule la recette : ça tombe bien, Intimidating Visions reprend là où son prédécesseur nous avait laissé et continue sur le même chemin tortueux et jonché de sépultures que les amateurs de The Mission, des Sisters of Mercy, Rosetta Stone ou des Fields of the Nephilim devraient tant apprécier.

Un chant plaintif et sépulcral, des riffs qui accrochent, une réverbération de l'au-delà : Sexblood n'a pas son pareil pour poser un décor. I Choose to Live in Hate, entêtante, lance l'album à un rythme effréné. Les titres sont courts, s’extirpent de leur tombeau, mordent avec une précision redoutable et retournent à la terre dans un enchaînement de tubes en puissance. Time is Running Out, nous disent-ils : Sexblood n'a pas le temps de traîner en route et, comme poussé en avant par une basse habitée, aligne les refrains irrésistibles et les mélodies mélancoliques qui se logent immédiatement en tête.

Le charme de Sexblood opère dans cette capacité assez indéfinissable à proposer une musique immédiatement familière, faite avec une passion et un savoir-faire réel et jouissif : avec toute sa morgue, ses éclats rageurs contenus, ses ambiances cinématographiques superbes et ses mauvaises mines, Sexblood est diaboliquement cool et procure un plaisir régressif instantané. Pourtant, entre les titres fédérateurs (Out of the Dark, Doctor Death inspirée par le chirurgien tueur en série Harold Shipman - rappelant la thématique du morceau Bad Priest sur le précédent album et ce masque de l'acceptabilité sociale qui masque les pires horreurs, Dark Side of Paradise et ses guitares grinçantes), Sexblood nous réserve quelques pas de côtés délectables.

En de rares occasions, la cadence se calme et les Mulhousiens s'orientent vers un terrain plus hanté encore du plus bel effet. L'atmosphère spooky de The Dust est irrésistible, la mélancolie spectrale des synthés de Walpurgis Night et son orgue grandiloquent, indispensable, ou encore un final très réussi où, le temps de Maudit Carillonneur, Sexblood s'essaye au français. Un texte bien troussé, un chant qui sait le jouer avec une emphase saisissante et une pesanteur funèbre somptueuse : ce second album s'achève sur un coup de maître sinistre d'une noirceur à laquelle nous sommes bien trop heureux de succomber.