Chronique | Secrets of the Moon - Black House

Pierre Sopor 9 mai 2020

Il aura fallu cinq ans aux Allemands de SECRETS OF THE MOON pour offrir à Sun un successeur. Cinq années pour soigner et peaufiner Black House, à la fois prolongement des évolutions musicales que l'on devinait depuis Seven Bells (2012) mais aussi véritable renouveau pour le groupe qui a arraché pour de bon cette étiquette "black metal" qui leur collait aux basques pour s'orienter pleinement vers un rock sombre, gothique assumé, qui pointait le bout de son nez depuis quelques années déjà.

Pourtant, comme une peau que l'on finit de s'arracher, il reste à Sanctum quelques échos de rugosité alors qu'un growl semble vouloir, parfois, se libérer. La bête est contenue et l'on est à la place cueilli par un hymne goth-rock entraînant, où l'on devine à la fois le spleen des FIELDS OF THE NEPHILIM, THE MISSION ou TIAMAT et le sens du hit accrocheur et dépressif d'ALICE IN CHAINS. Charme vénéneux, menace à peine déguisée :  SECRETS OF THE MOON attaque fort et l'ambiance lugubre de Black House s'empare de nous. Don't Look Now, avec son rythme plus lent et son chant fantomatique et hypnotique prend possession de l'auditeur, comme prisonnier d'un brouillard glacial et mystérieux. On est probablement influencé par le boulot réalisé par Metastazis (LED ZEPPELIN, MORBID ANGEL, ULVER) et Dehn Sora (DEATHSPELL OMEGA, AMEN RA, BLUT AUS NORD) sur l'artwork et les clips (chaque morceau y aura droit), mais il est difficile de ne pas penser au récent film The Lighthouse, avec cette lumière fascinante et énigmatique qui, petit à petit, a raison de l'esprit des personnages.

Ce n'est pas parce que SECRETS OF THE MOON se fait plus accessible que le groupe y perd en richesse : Black House est un album varié et fascinant aux allures mystiques. La mélancolie et même la misanthropie que l'on devine ici ou là n'empêchent pas les moments au groove irrésistibles (les singles Veronica's Room et Earth Hour), poches d'air qui aèrent un ensemble souvent pesant et oppressant, quasi doom (He Is Here) ou aux teintes grisâtres d'un après-midi pluvieux à Seattle (le morceau titre et Heart, par exemple, portés par le chant plaintif de Philipp Jonas, ont des accents grunge poisseux et psychédéliques flagrants).

Le cas de SECRETS OF THE MOON est intéressant : en rendant sa musique plus accessible à un large public, plus facile à écouter, le groupe ne perd en rien de son pouvoir de fascination. Peut-être qu'un titre en plus aurait été de trop, mais Black House est un ensemble équilibré. On n'en retiendra peut-être pas tout mais l'album contient une bonne moitié de morceaux aux ténèbres bien trop séduisantes pour y résister et au fort goût de reviens-y.