Chronique | Rob Zombie - The Lunar Injection Kool Aid Eclipse Conspiracy

Pierre Sopor 12 mars 2021

ROB ZOMBIE n'avait rien sorti depuis cinq ans : la sortie du film 3 From Hell puis une pandémie mondiale ont quelque peu retardé The Lunar Injection Kool Aid Eclipse Conspiracy. Début 2021, comme le monde semble empêtré encore pour un bout de temps dans cette histoire de virus, le groupe a décidé de finalement sortir son album en nous promettant un ensemble tout fou-fou. On aimerait les croire : depuis Educated Horses, ROB ZOMBIE semble se réveiller un album sur deux. Pourtant, avec ses deux derniers films tombant dans l'auto-caricature poussive, on avait tous les droits de s'inquiéter pour la vivacité artistique du bonhomme.

The Lunar Injection creuse le même filon que Venomous Rat Regeneration Vendor (2013), nouveau souffle bienvenu dans la carrière du groupe qui semblait pourtant s'épuiser dès le vite écouté, vite oublié The Electric Warlock Acid Witch Satanic Orgy Celebration Dispenser (2016) : titre à rallonge, visuel coloré mélangeant imagerie horrifique retro et hippie et décontraction festive s'éloignant du neo-metal industriel d'il y a vingt ans pour piocher un peu partout. La petite bande est la même sur les trois disques (John 5 à la guitare, Piggy D à la basse, Ginger Fish à la batterie) et donne l'impression de s'amuser ensemble avec une spontanéité et une liberté étonnante chez un groupe avec autant de bouteille. D'ailleurs, un détail ne trompe pas : le maquillage, les costumes et autres monstres rigolos ont peu à peu disparu pour ne laisser que le naturel. Ce joyeux foutoir, c'est le résultat de quatre personnalités qui se sont trouvées et n'ont plus besoin d'artifices.

L'album part dans tous les sens, ce qui est plutôt réjouissant. Il y a bien sûr le poids-lourd King Freak (on va raccourcir les titres, hein) pour démarrer en terrain familier, single imparable avec chant caverneux de rigueur, riffs pachydermiques et, déjà, coupures perchées à base se samples et de scratchs. Car The Lunar Injection est bel et bien un album fou-fou et il n'est pas rare de trouver plusieurs idées hétéroclites au sein d'un même titre (ce qui le différencie de son prédécesseur). On n'oserait jamais remettre en question le sens du groove et de la formule de ROB ZOMBIE et, encore une fois, tout cela est très entraînant (Shadow of the Cemetery Man, Shake Your Ass-Smoke Your Grass), haut en couleur et très rigolo.

Certes, la recette est la même depuis 2013, mais reste rafraichissante. Souvent, le groupe nous emmène dans une direction connue pour mieux nous perdre. C'est le cas par exemple avec Get Loose et ses riffs déjà entendus mille fois chez ROB ZOMBIE mais auxquels se greffent des mélodies orientales et une dernière minute en roue libre. Il nous arrive aussi de ne pas trop savoir où on a atterri, comme lors d'une crise de démence country sur 18th Century Cannibals ou sur Boum-Boum-Boum et son ambiance de western sinistre irrésistible.

The Lunar Injection est un fourre-tout rock'n'roll généreux et jubilatoire, cool et festif, à l'image de son nom ridiculement long ou de ses multiples interludes bizarroïdes. Les musiciens s'y amusent et partent dans toutes les directions, quitte à parfois laisser l'auditeur en retrait ou le fatiguer avec un ensemble quand même très chargé. Mais ils s'en foutent, ils n'ont rien à prouver et sont là pour s'éclater. Bref, le principe n'a pas changé depuis Venomous Rat et le résultat fonctionne à nouveau, l'effet de surprise en moins.