Chronique | Petrolio - L+Esistenze

Pierre Sopor 12 janvier 2019

L+Esistenze est le deuxième album de PETROLIO en trois ans, le premier sur l'estimé label Audiotrauma qui apportera, on l'espère, un supplément de visibilité au travail de Enrico Cerrato. Après être passé par des projets très variés (de l'indus de INFECTION CODE, au jazz-noise-punk avec GABBIAINFERNO), l'homme s'est lancé dans un projet à nouveau expérimental, entre noise et ambient.

Ne Tuez pas les Anges plante un décor mélancolique, avec sa mélodie désenchantée et ses vibrations électroniques étranges qui, petit à petit, se retrouvent recouvertes de distorsions venant troubler la sensation d'apaisement trompeuse des débuts. D'apaisement, il ne sera toujours pas question avec La Maladie Connue, piste très industrielle où le rythme lent, renforcé par un design sonore anxiogène, crée un effet hypnotique sur l'auditeur. PETROLIO prend un malin plaisir à tordre les sons, les torturer et les empiler sans ne jamais perdre de vue une sensibilité certaine : malgré un goût évident pour les expérimentations bruitistes, L+Esistenze n'est jamais dénué d'humanité. Le piano reste un vecteur d'émotions redoutable et la menace qui s'en dégage au début de Scindere 2 Animes, l'empilement de couches n'y étant pas pour rien, est particulièrement inquiétante. Même chose avec la très noise / indus Fish Fet qui laisse néanmoins la place à des nappes de synthé de s'exprimer, d'apporter un relief au morceau et, petit à petit, de diluer la rythmique des machines dans un spleen brumeux. Il y a quelque chose d'assez cinématographique dans la musique de PETROLIO, ce que confirme L'Eterno Non E Per Sempre, piste tout en évocation où un sound-design discret apporte une texture aux nappes du synthétiseur, théâtral, faisant monter la tension pour, au final, s'achever dans un calme relatif. C'est quand l'humanité s'exprime via son organe le plus évident en musique que PETROLIO est contre toute attente la plus inquiétante : après cinq titres uniquement instrumentaux, les murmures de Cerecala E Seta sont bien plus effrayants que toutes les machines de l'album, achevant L+Esistenze sur une note particulièrement sombre, presque cauchemardesque.

L+Esistenze est un album à la fois apaisant et plein de tourments. Les machines nous hypnotisent tout en réussissant à véhiculer des émotions très humaines, tout en nuances. PETROLIO nous propose avec cet album une parenthèse qui nous sort du monde réel le temps d'une grosse demi-heure et, malgré l'angoisse et la mélancolie que l'on peut y trouver, a quelque chose de rassurant, confortable et, finalement, ses ténèbres ont quelque chose d'étrangement curatif.