Chronique | Petrolio - Club Atletico

Pierre Sopor 10 avril 2021

On avait laissé PETROLIO deux ans auparavant avec L+Esistenze, une œuvre introspective tourmentée mais dont les parts d'ombre savaient aussi laisser filtrer quelques rayons de lumière. Le label Audiotrauma ayant rendu les armes, Enrico Cerrato a trouvé une nouvelle maison pour ses expérimentations atmosphériques avec le tout jeune label londonien Depths Record, et revient avec Club Atletico. Ne fuyez pas, il ne sera bien sûr pas question de faire du sport en short : il s'agit ici d'un centre clandestin de détention de la Guerre Sale en Argentine, où étaient torturés les dissidents politiques. Rassurés ?

L'EP est le résultat des réflexions de l'artiste sur le thème de l'enfermement. Les basses oppressantes plantent un décor anxiogène, étouffant même et certaines textures sonores d'Agua Y Tiera promettent de faire vibrer l'air en live. La musique de PETROLIO semble avoir évolué vers quelque chose de plus frontal, moins éthéré, et plus mélodique aussi, incorporant de discrets éléments orchestraux (il paraîtrait même que ses compositions pourraient à l'avenir inclure des paroles). El Silencio, malgré sa réverbération de cachot, évoque presque une forme d'échappatoire avec ses nappes plus aiguës et sa construction. On pense au Vagabond des Étoiles de Jack London, où un condamné à mort s'échappe de sa cellule par la pensée, via l'auto-hypnose. Le rouleau-compresseur Y Nadia Queria Saber n'offre par contre ni fuite ni lumière. L'enfermement est un thème propice à la musique introspective de PETROLIO, dont les nappes atmosphériques, le différentes sons numériques et analogiques et les rythmiques lentes, voire psychédéliques, peignent des tableaux imaginaires qui, derrière l'angoisse qu'elles dégagent, offrent néanmoins à l'auditeur un espace pour méditer et laisser son âme s'évader. C'est avec 2403, dernier morceau de l'EP, que le constat est le plus frappant : on passe d'inquiétantes distorsions funèbres à une forme d'apaisement mélancolique.

Club Atletico réussit avec ses quatre titres à construire une forme de cage dans laquelle enfermer l'auditeur tout en lui offrant, via la musique, la matière pour laisser son esprit vagabonder. PETROLIO n'a rien perdu de son talent pour évoquer des paysages sinistres, désolés (et sûrement pluvieux) de manière cinématographique alors que la musique semble parfois même s'incarner physiquement au travers de basses profondes et de contrastes forts. C'est un bien bel EP, annonçant une suite de carrière musical moins "abstraite" pour l'artiste et que l'on a hâte de découvrir.