Chronique | Not My God - Obverses

Pierre Sopor 12 mai 2023

Quand le multi-instrumentiste Tim Sköld et Nero Bellum (Psyclon Nine) s'associaient en 2020 pour lancer Not My God, nous étions loin d'imaginer la tournure que la chose prendrait. Les deux artistes ayant prouvé par le passé leur goût pour l'excessif et le démonstratif, on ne les attendait pas forcément sur un terrain aussi minimaliste et expérimental, et pourtant, avec son deuxième album, Simulacra, le son de Not My God aboutissait à une sorte d'apogée dans le dépouillement sinistre et hypnotique. Une piste que l'on espérait bien sûr voir Sköld et Bellum approfondir avec Obverses, tout en évitant la redite.

Si seule la voix de Sköld se fait entendre, Not My God sert toujours de formidable terrain pour les expérimentations de son complice aux synthés modulaires. Outre ses deux albums solos de dark ambient parus en 2019 et 2020 qui semblaient paver la voie à ses œuvres futures, notons que le dernier album de Psyclon Nine optait pour une approche similaire à Not My God, pour le meilleur. Ici, Dead réussit à nous surprendre sans trahison ni changement de cap radical. Le doit-on à des influences trap qui se devinent en toile de fond, au chant de Sköld déformé par différents filtres ou cette petite mélodie qui essaye d'y survivre, rapidement étouffée par des effets à mi-chemin entre le kitsch et l'abstraction noise ?

Avec Obverses, Not My God semble étrangement s'amuser et prendre un plaisir malin à taquiner des procédés, des influences, des humeurs inhabituelles ou rarement assumées. Les rythmiques et les mélodies pourraient, si elles n'étaient pas traitées de manière si lugubre et austère, accoucher de titres pop dansants (Deus Vult, Manifest O et sa ligne de basse à la limite des univers cyberpunks des courants EBSM et darksynth, Unwind the Helix dont on sent que l'intensité pourrait monter si son but n'était pas de nous hanter de son humeur maussade). De son côté, Sköld fait ponctuellement joujou avec un vocodeur (la mystérieuse et menaçante Hell Is), dont les déformations sur ses intonations blasées sont étrangement glauques. Saluons à nouveau les émotions et parfois la poésie qu'il insuffle à cet univers gris, sévère : il y est plus théâtral et expressif qu'à l'accoutumée (Enter the Way), peut-être pour contraster avec la froideur de l'électronique. Le résultat de ce laboratoire synthétique est une sorte de bad trip psychédélique et hypnotique, où la transe emmène l'auditeur vers des ténèbres souterraines où rôdent les ombres, la mort et le danger, un monde fait de chuchotements et de terreur (Hyacinth en conclusion, mélancolique et glaçante à la fois).

Si Obverses ne contient pas de titres qui nous saisiront immédiatement pour nous plonger dans un état de stupeur admirative comme Not My God avait pu en proposer par le passé, il réussit à renouveler l'intérêt pour ce projet tout en explorant, encore, de nouvelles directions. Les amateurs d'électronique sombre et mutante se délecteront de ces nouvelles explorations à l'élégante sobriété, jamais lassantes et toujours aussi efficaces.