Chronique | Messa - Feast for Water

Pierre Sopor 4 avril 2019

Fondé en 2014, MESSA s'était fait remarquer avec un premier album, Belfry, sorti en 2016. La musique du quator Italien, entre doom / drône mystique et élans expérimentaux, avaient marqué les esprits. MESSA est rapidement devenu un groupe à suivre, fascinant et dont la musique réussit à être à la fois complexe et immédiatement envoûtante. L'annonce d'un deuxième album, Feast for Water, a forcément provoqué quelques haussements de sourcils et suscité l'impatience des amateurs, curieux de voir comment la formation allait évoluer.

Rien ne nous préparait à cette plongée ténébreuse dans un univers unique, opaque et évocateur. MESSA présente son album comme inspiré par le thème de l'eau, ses aspects rituels, introspectifs et symboliques. L'élément aqueux est omniprésent tout au long du disque et c'est donc accompagné de cordes graves et mystérieuses que l'on se noie progressivement dans Naunet, introduction nommée d'après la mythologie Egyptienne : Noun et Nounet forment le "couple de l'eau initiale", le chaos abyssal, le fluide primordial présent avant toute chose et d'où est sorti toute vie. Le son de l'eau, toujours, la basse profonde de Marco Messa, la voix lointaine de Sara : ces éléments récurrents donnent corps à Feast for Water. Après Snakeskin Drape qui mélangent un groove typé 70's à une atmosphère funèbre à la manière de BLACK SABBATH, MESSA propose avec Leah un morceau aux profondeurs insondables : le chant est fantomatique, l'ambiance occulte comme jamais, et à la pesanteur écrasante des riffs succèdent des moments feutrés, intimistes : c'est d'une noirceur saisissante de beauté.

Au fur et à mesure, on apprécie l'évolution de MESSA qui incorpore à sa musique de nouveaux éléments plus inattendus, cultivant un goût de la rupture de rythme, de la surprise et de l'expérimentation que l'on n'avait qu’entraperçu sur Belfry. Feast for Water est un rituel magique dont l'ampleur impressionne et dont on ne prend pleinement la mesure qu'avec She Knows dont l'ambiance discrète et intimiste et le piano du début évoluent vers une fin en queue de poisson, profitant d'un solo de guitare pour enchaîner avec la psychédélique Tulsi, dont la lourdeur est subitement atténuée par un saxophone spectral. Le voyage que vient de nous proposer MESSA avec ses deux titres est phénoménal, inventif, hypnotique, cauchemardesque, imprévisible et encore une fois d'une beauté bouleversante. Une fois que l'on est happé, ressortir du disque devient impossible : l'envie de prolonger l'expérience finit par triompher et l'album se retrouve à passer en boucle, encore et encore.

L'impression qui nous envahit à l'écoute de Feast for Water est celle d'évoluer au sein d'un univers brumeux et mélancolique rempli de secrets que l'on n'a plus envie de quitter : MESSA piège l'auditeur dans ses profondeurs et ne l'en libérera pas. Le deuxième album du groupe italien est une oeuvre hantée, magnifique et obsédante.