Chronique | Machinalis Tarantulae - Tabularium

Pierre Sopor 14 août 2016

Projet intriguant s'il en est, MACHINALIS TARANTULAE s'auto-étiquette comme "electro-gamba". Des cyber-crevettes ? Pas du tout ! Il est question ici de viole de gambe, cet instrument à cordes du XVème siècle ressemblant à un mélange de luth et de violon aux yeux du profane. Une viole de gambe à laquelle Justine Ribière, l'auteur du projet, associe machines et samples afin de donner vie à un univers sonore hybride, industriel et hypnotique.
Tabularium s'ouvre sur Melanocetus : quelques notes mystérieuses en guise d'introduction sur fond de dissonances synthétiques, avant que la viole progressivement ne s'emballe et se fasse plus menaçante. Saisissant le caractère répétitif des musiques industrielles avec son instrument archaïque, Justine Ribière insuffle une rage contenue au morceau, renforcée par quelques lignes de chants d'une colère froide et autoritaire. Au chaos frénétique qui conclut cette impressionnante entrée en matière succède Jungle, piste plus légère sur laquelle, encore une fois, les différentes boucles se superposent, MACHINALIS TARANTULAE tissant petit à petit sa toile jusqu'à ce que l'alchimie fonctionne, un peu à la manière de SIEBEN (comparaison facilitée par l'utilisation que fait Matt Howden de boucles et de son violon). Plus mélancolique est Sable, où la viole se libère et prend le dessus tout du long sur les machines, accentuant l'aspect organique avant que Pieuvre et son introduction purement électronique ne nous replonge dans un climat angoissant où la froideur industrielle sert, une fois encore, aux lamentations de la viole de gambe. Pizzica se fait plus entêtante et rythmée, comme son nom le laisse entendre, alors qu'un chant entraînant refait son apparition en deuxième partie de morceau. On se laisse bercer par la mélodie de Se l'Aura Freeze jusqu'à la moitié du titre, où des sons dissonants inquiétants viennent troubler l'écoute, annonciateurs de la tempête à venir, la distorsion sur le chant nous replongeant en plein chaos afin de conclure ce premier album de manière mouvementée avant que les remixes ne viennent prolonger la transe. Ceux-ci mettent l'accent sur la facette industrielle de MACHINALIS TARANTULAE, en alourdissant le son et le rendant plus sombre, à l'exception du remix de Sable, plus ambient.
La découverte de MACHINALIS TARANTULAE est une expérience fascinante, tant il se dégage de cet univers quelque chose d'unique, d'irréel, d'obsessionnel même, une alchimie improbable de deux univers étrangement complémentaires. Il faudra surveiller de très prêt ce projet à l'avenir, d'autant plus que ça s'annonce très intéressant... En plus d'ouvrir pour CHRISTIAN DEATH, MACHINALIS TARANTULAE, bien loin de stagner, s'étoffe avec l'arrivée de Miss-Z, du groupe PUNISH YOURSELF, qui viendra apporter sa guitare et ses percussions.