Chronique | Klone - Meanwhile

Pierre Sopor 6 février 2023

Après avoir calmé son jeu pour s'essayer à un son plus rock et avoir tenté une aventure acoustique en 2017, KLONE nous embarquait en 2019 pour un Grand Voyage qui a permis au groupe de Poitiers et son mélange de metal atmosphérique et de rock progressif de toucher un vaste public et de se voir ouvrir de nouvelles portes, ou au moins des portes plus larges. Ayant pour prédécesseur un album qui trouvait un bel équilibre entre les divers tendances du groupe, Meanwhile pouvait bousculer cet équilibre... ou au contraire en profiter pour poursuivre sur cette voie.

L'artwork donne déjà une piste : comme Le Grand Voyage, Meanwhile nous montre un ciel nuageux, mais là où le disque de 2019 semblait montrer une tempête avec une distance propice à la contemplation et l'apaisement, KLONE en 2022 met en avant un nuage lourd de menaces et rugissant. De la continuité donc, mais pas que : Within Reach l'illustre bien avec son intensité, Yann Ligner s'autorisant au chant quelques explosions de rage certes contenue mais néanmoins poignante. Son boulot est, comme d'habitude, remarquable : à la fois élégant et viscéral, il évoque tantôt Jonas Renkse de KATATONIA, tantôt Maynard James Keenan de TOOL pour cette capacité à laisser jaillir la tourmente en pleine mélancolie introspective, à nous attirer sous terre lors des passages les plus lourds tout en gardant cette noblesse aérienne.

Si Meanwhile reste donc, en terme d'atmosphères et d'équilibre, fidèle au chemin tracé en 2019, on ne peut pas parler de stagnation pour autant. KLONE en profite pour approfondir sa création, renoue avec plus d'épaisseur et de frontalité (Bystander, ou la crépusculaire The Unknown) à l'image d'un son de batterie plus agressif. Présenté comme une chronique du "pire et du meilleur de l'humanité", l'album réussit à faire tenir sur le même fil fragile tous ces aspects : la violence de certains tourments, les accalmies, la lourdeur, l'onirisme poétique, les éclaircies et les ombres, l'air et la terre. L'ensemble est organique, cohérent et évolue dans les nuances douces-amères élégantes plutôt que les gros contrastes qui tâchent (le morceau-titre, conclusion en apothéose, porte d'ailleurs en lui toutes les qualités de l'album). Les musiciens de KLONE n'ont plus rien à prouver sur le plan technique et ont l'intelligence de ne pas laisser la démonstration prendre le pas sur la transmission des émotions, préférant développer une idée ou un riff au sein d'un morceau plutôt que de partir dans tous les sens. Ils s'autorisent tout de même quelques pas de côté surprenants et inspirés (le saxophone, étonnant mais sobre sur Blink of an Eye qui finit par devenir fou et flirter avec le cacophonique à la fin de l'album) qui viennent, eux aussi, secouer la surface.

Bien que plus mouvementé, Meanwhile ne chamboule pas le travail de KLONE comme avaient pu le faire certains disques de la décennie passée : le groupe ne se remet pas entièrement en question ici mais en profite justement pour peaufiner sa musique, l'emmener plus loin, plus fort. On y retrouve toutes les facettes de KLONE savamment associées et on peut ainsi dire de Meanwhile qu'il est l'aboutissement de plus de vingt ans de carrière car l'album porte en lui toutes les identités de KLONE, toute sa richesse, toutes ses subtilités et fait de ce passé un trône sur lequel il peut siéger avec une fierté bien méritée.