Chronique | Keygen Church - Nel Nome Del Codice

Pierre Sopor 19 mars 2024

Vittorio D'Amore, alias Victor Love, est un type occupé. En attendant que Dope Stars Inc ne sorte de son sommeil, l'artiste italien semble exister dans un monde parallèle fait de codes informatiques cryptiques et de références que seuls ceux qui qui savent ce que MS-DOS, ASCII et ce genre de trucs veulent dire pourront saisir. Depuis 2018, il respire entre deux albums de Master Boot Record avec Keygen Church : si les guitares sont toujours synthétisées, ce projet se distingue par une approche baroque qui lui donne tout son charme. L'humanité a été numérisée ? Peut-être, mais dans Keygen Church, les esprits s'incarnent dans la musique.

Fidèle à son univers, Victor Love évoque l'univers des jeux vidéos (on pense bien sûr à Castlevania) mais, avec Nel Nome Del Codice, affirme mieux qu'auparavant l'identité de Keygen Church. Si les riffs agressifs et les rythmiques frénétiques sont toujours de la partie (La Chiave Del Mio Amor), l'accent est mis sur le decorum. De l'orgue, du piano, des chœurs mystiques : ce nouvel album ne lésine pas sur les effets théâtraux pour imposer son ambiance gothique et sacrée et les influences sont plus obscures, entre doom (la lourdeur de l'intro de Lode Al Disco Sacro impose un silence d'église) et black metal numérisés. Imaginez un instant que Bach ait été fan de metal extrême et de retro-gaming...

Victor Love compose en direct devant ses fans les plus actifs, lors de sessions de streamings non annoncées et non archivées, des petits événements communautaires qui crée un certain mystère autour d'une démarche pleine d'easter-eggs pour qui aura la patience (et les clés) de les chercher. Musicalement, Keygen Church a complexifié ses compositions, chaque titre prenant le temps de se développer et de s'envoler, semblant raconter une histoire souvent tragique (le morceau-titre qui commence dans le recueillement avant de virer à l'incantation démoniaque) ou épique (La Voce Del Destino et son crescendo exalté et lumineux). L'album défile à toute allure sans forcément que l'on ne distingue un morceau plus qu'un autre, formant un tout intense et possédé qui s'écoute comme la bande-son d'un drame techno-occulte.

Pour les amateurs du travail de Victor Love, dont on apprécie la violence rageuse mais aussi la texture sonore rétro-futuriste bien particulière, Keygen Church offre une variante gothique où s'incrustent mystères, la splendeur des cathédrales, entre parfum sépulcral et opéra baroque. C'est assez prenant et, écouté en accompagnement d'une autre activité, donnera à cette dernière l'intensité d'un combat de boss partiuclièrement corsé.