Chronique | JE T'AIME - JE T'AIME

Pierre Sopor 5 juin 2019

Tout a été très vite pour JE T'AIME : fondé au printemps 2018, la formation post-punk / coldwave parisienne s'était fait remarquer avec un premier titre, The Sound. Et puis plus rien, silence total pendant presque un an et soudain, la totale : des concerts, un deuxième single, et surtout un premier album éponyme qui sort enfin. Le tout en majuscules, parce que c'est plus fort.

Paris, ça a beau ne pas être la Bretagne, ça ressemble quand même à Manchester : il y fait gris, il y pleut, certains trouveraient ça déprimant. Et il y a clairement quelque-chose de Mancunien dans le son de basse qui lance The Sound : l'urgence et la mélancolie que l'on associe à JOY DIVISION sont de la partie. Si le respect des anciens est de mise, bien sûr, la musique de JE T'AIME est pourtant résolument moderne, que ce soit dans la façon dont sonnent les synthés, forcément froids, mais aussi dans le sentiment très urbain qui s'en dégage : ça sent l'errance, le clinquant, les soirées arrosées qui se finissent en titubant après l'aube (Dance, étourdissante).

On retrouve au chant Dany Boy, dont les exclamations expressives apportent à JE T'AIME une frontalité et une forme de démesure rafraîchissante. Le monsieur a de belles lignes à son CV : SOROR DOLOROSA, référence coldwave made in France d'une élégance absolue, mais aussi le groupe de metal industriel HERRSCHAFT pour lequel il assure la basse sur scène et où il a été cherché Zoé, responsable à son tour de la basse (et des claviers).

Bien sûr l'ambiance générale n'est pas à la rigolade (prenez Hide & Seek ou Watch Out! et sa basse hypnotique, l'ombre de THE CURE y noircit sacrément l'humeur) et l'électronique glaciale des nappes hantent régulièrement l'auditeur (The Flying Dutchman, Satan's Bitch) alors que divers tourments secouent l'album. Le désespoir suinte d'un chant parfois à la limite de la supplique (C++). Impitoyable, le rythme, lui, ne faiblit pas. Il en résulte une frénésie, comme une envie de vivre angoissée, vite, fort, avant tout, malgré tout, à la limite de la panique. Dans une pure tradition post-punk, JE T'AIME fait transpirer, mais JE T'AIME est aussi anxiogène et parfois carrément halluciné.

JE T'AIME est une réussite. Après avoir créé une réelle attente avec ses deux singles, le trio a finalement pu montrer réellement ce qu'il avait à proposer. Le résultat sonne crânement moderne même si tous les ingrédients classiques sont de la partie. C'est à la fois d'une simplicité désarmante garantissant l'immédiateté de l'oeuvre mais également riche en émotions.