Chronique | Grausame Töchter - Engel Im Rausch

Tanz Mitth'Laibach 24 janvier 2019

Par quelque bout qu'on le prenne, GRAUSAME TÖCHTER est un groupe qui sort de l'ordinaire. Entre son chant tout en allemand, sa chanteuse Aranea Peel manifestement obsédée par le sexe féminin et les araignées, les mises en scènes extravagantes de ses concerts et de ses clips, mais surtout le cocktail jouissif et dévastateur à base d'électronique et d'industriel que constitue sa musique, la formation active depuis 2009 réussit à faire passer le RAMMSTEIN des premières années pour un groupe bien sage ; toujours à la fois dérangeant et excitant, le groupe sort avec Engel Im Rausch en 2018 son cinquième album, et disons-le, jusqu'ici, c'est un sans-faute !

Chaque album de GRAUSAME TÖCHTER a sa personnalité, et tant le titre que la pochette de Engel Im Rausch annoncent la couleur : cette fois, Aranea est complètement partie. L'album commence en planant sur le morceau-titre Engel Im Rausch, long délire tellement candide qu'il en devient inquiétant ; cette touche psychédélique reviendra sur plusieurs morceaux de l'album délicatement menaçants tels que Engel Im Himmel ou Rosemarie, toutefois on retrouve aussi et surtout ce pourquoi on a appris à aimer GRAUSAME TÖCHTER, des morceaux aux rythmes implacables emprunts d'EBM et de techno tels que Annika In Ekstase (elle a bien le droit, après le titre Annika Ist Tot sur l'album précédent !) ou Sex In Deutschland, ou encore la déjantée Wodka-Polka, version électronique de la danse traditionnelle, succédant à la Nordsee/Tango du précédent opus ; plus surprenant, on y trouve également des morceaux basés sur un crescendo où la place des guitares se renforce, l'articulation entre elles et une musique électronique très dansante peut faire penser au meilleur de KMFDM : ... Und Ich Fühle Nichts, Sternenmädchen ou encore In Deinem Kopf se situent dans cette lignée.

Engel Im Rausch est donc un album délirant, qui part littéralement dans tous les sens au gré de sa fantaisie, avec un goût de l'expérimentation très industriel mais une immense richesse dans les sons employés -pensez donc, le disque intègre entre autres trompette et violon en plus d'une variété appréciable de sons électroniques et industriels ainsi que de la guitare et de la basse ! Les morceaux ont généralement les structures les plus déconcertantes, mais sont avant tout énergiques et dansants comme on l'attend de GRAUSAME TÖCHTER, ce qui nous entraîne d'autant plus facilement dans les insanités d'Aranea et de son chant tour à tour véhément ou caressant mais toujours perturbant. On goûte ces chansons toutes plus déjantées les unes que les autres avec grand plaisir, ... Und Ich Fühle Nichts marque particulièrement par la combativité d'Aranea et son riff simple et ravageur, de même que Nein !, brûlot sombre et dansant de darkwave.

Que demander de plus, face à un album qui offre tant ? Mais à vrai dire, on n'est pas tenté de demander plus mais précisément moins : car dix-huit morceaux, est-ce bien raisonnable ? Si tous sont excellents, force est d'admettre que l'album pris dans son ensemble n'est pas très digeste, même si GRAUSAME TÖCHTER nous a habitués à des albums longs. Pour cette raison, il faudra plus d'une écoute pour s'approprier sa profusion, c'est son principal défaut, sinon le seul. Mais qu'à cela ne tienne : Engel Im Rausch est un nouvel échantillon de la folie et de la créativité dont déborde GRAUSAME TÖCHTER, qui fait de ce groupe l'un des plus passionnants à suivre aujourd'hui parmi les héritiers de la musique industrielle.