Chronique | Front Line Assembly - Wake Up the Coma

Pierre Sopor 16 février 2019

Après avoir été repoussé de quelques mois, le dernier album de FRONTLINE ASSEMBLY est enfin sorti. Les canadiens nous avaient laissé avec la suite de AirMech, l'instrumental WarMech un an plus tôt, mais il faut remonter à 2013 et Echogenetic pour retrouver des traces d'un album plus "classique" de FLA. Wake Up the Coma, avec son artwork soigné et ses guests prestigieux nous faisait de l’œil, évidemment. Après tout, le projet emmené par Bill Leeb et Rhys Fulber, de retour dans la formation, a-t-il déjà été mauvais ?

Non, bien sûr, la question était rhétorique. Surprenant, oui. Moins surprenant, également. FRONTLINE ASSEMBLY a divisé en essayant de nouvelles choses. FRONTLINE ASSEMBLY s'est aussi parfois reposé sur ses acquis. Mais ces dernières années, ce groupe précurseur s'est essayé à des choses plus modernes, dans l'air du temps. Le paradoxe peut vexer, et voir ces pionniers se laisser tenter par les modes dubstep (Echogenetic) et synthwave (WarMech) a peut-être fait grincer quelques dents, mais il faut savoir évoluer et le résultat a toujours été solide, voire rafraîchissant. Solide, l'ouverture de Wake Up the Coma l'est assurément : avec son rythme accrocheur, la voix de Bill Leeb qui épouse parfaitement les différentes nappes, la petite touche de Robert Görl de DAF qui muscle l'ensemble, sa montée en tension et sa thématique paranoïaque, Eye On You est un single parfait, puissant et fédérateur. Les sceptiques pourraient marmonner qu'il n'y a pas grand chose de nouveau, que l'agressive Arbeit et son ADN plus EBM qui suit sonne très familière, que FRONTLINE ASSEMBLY se prélasse dans sa zone de confort avec talent mais complaisance. Que dire alors de Rock Me Amadeus, la reprise de la pop-star autrichienne des années 80 ? FLA n'a jamais osé quelque chose d'aussi décalé et le chant barré de Jimmy Urine de MINDLESS SELF INDULGENCE, toujours aussi déjanté, ne va pas aider à dérider les plus chafouins. C'est peut-être n'importe quoi, mais voir FLA se risquer sur un territoire aussi colorée et pop est jubilatoire et le résultat, absolument pas représentatif de l'album, est beaucoup trop cool.

Mis à part cet éclat, Wake Up the Coma n'est pas un disque déroutant. Il faut chercher les autres featurings pour trouver des choses inhabituelles : il y a l'élégante voix chaude de Nick Holmes de PARADISE LOST sur Wake Up the Coma, à qui l'on doit probablement les quelques riffs de guitare du morceau, ou encore Chris Connelly (REVOLTING COCKS) qui singe DAVID BOWIE dans la mélancolique conclusion Spitting Winds. Les berzerks du dancefloor toujours bloqués sur Killing Grounds se tourneront vers Living A Lie et son refrain imparable, alors que les amoureux de la voix gutturale et robotique de Leeb (comme on les comprend) passeront en boucle Tilt, aux relents atmosphériques de WarMech. La synergie entre Fulber et Leeb fonctionne à merveille et Wake Up the Coma nous réserve quand même quelques belles trouvailles (le clavier de Negative Territory, hanté). Certes, FRONTLINE ASSEMBLY ne se révolutionne pas mais le soin mis dans l'album devrait ravir les fans : un peu à l'image des compatriotes de SKINNY PUPPY, FLA est peut-être moins déroutant après une trentaine d'années de carrière mais ils ont gagné en efficacité ce qu'ils ont perdu en expérimentation et déviance sonore.

Wake Up the Coma n'est pas une révolution, mais ce n'est pas non-plus du surplace. En prêtant les clés de sa maison à quelques invités qui y injectent leur personnalité, FRONTLINE ASSEMBLY propose un bon gros pot-pourri de ce que le groupe sait faire le mieux, relevé par des featurings surprenants. Il y a à boire et à manger dans cet album dont la principale faiblesse est peut-être de nous séduire si rapidement. Aimer Wake Up the Coma est presque trop facile, on l'aurait peut-être aimé plus âpre, plus inaccessible. Ce qui n'empêchera pas le disque de tourner en boucle un bon moment, bien au contraire.