Chronique | Corvin's Breed - MISANTHROPY

Pierre Sopor 26 mars 2024

Même sans être expert de la géographie américaine, s'il y a bien une chose que l'on sait sur la Nouvelle-Angleterre en général, l'état de Rhode Island en particulier et tout précisément la ville de Providence, c'est qu'il s'y trame de sombres choses innommables dans la pénombre. Parmi elles, nous nous intéressons cette fois au cas de Corvin's Breed, rejeton monstrueux de Martin Corvin qui a vu pour la première fois le soleil blafard en 2014 et hante depuis l'atmosphère froid et putride avec son mélange de metal industriel, de black metal et de références horrifiques. Misanthropy est son deuxième album, cinq ans après The Witching Hour, et a été produit par un certain Nero Bellum...

La première chose qui saute aux oreilles est l'ampleur prise par le son entre les deux albums. Corvin's Breed a gagné en agressivité et en mordant, les guitares sont bien plus présentes et méchantes que par le passé. Les atmosphères gothiques et horrifiques du premier album sont moins présentes et ont laissé leur place à un climat industriel apocalyptique. On mentionnait plus haut le producteur de Misanthropy : l'ombre de Psyclon Nine rôde souvent dans la musique de Corvin's Breed. Les deux cultivent le même goût pour la méchanceté, pour les paroles crachées avec hargne et la rencontre entre l'électronique et un chant qui emprunte au black metal. Au rang des influences, difficile aussi de ne pas penser parfois aux Deathstars ou aux croassements de Marilyn Manson : Corvin's Breed aime le théâtral, le grandiloquent et les effets grimaçants.

On est donc bien partis pour un bon plaisir coupable (pour ceux qui se sentent encore coupables de se faire plaisir...) fait de gros riffs qui tabassent et de rythmiques martiales (Straight to the Curb), de menaces rampantes (Dysphoria), de rengaines qui se logent dans notre crâne sans aucune politesse (Natural Born Killer) et de lourdeur monolithique pleine de mystères interdits (A Solemn Dirge). Régulièrement, l'approche rythmique laisse néanmoins les guitares s'exprimer suffisamment pour apporter un nouveau souffle aux morceaux et l'on apprécie l'ambiance qu'imposent les synthés futuristes et le sound-design de vaisseau spatial, cette petite touche SF horrifique évoquant une invocation démoniaque dans le froid du cosmos qui fait toujours son effet.

Si l'on a l'impression de déjà connaître la recette, Corvin's Breed la maîtrise et fait preuve d'une efficacité réjouissante. Si vous aimez les gargouillis grandiloquents, les chuchotements sinistres, les guitares qui mordent et les rythmiques mécaniques, vous constaterez alors que Misanthropy est un grand huit aussi satisfaisant que bien fichu. L'album contient suffisamment de variété pour ne pas lasser, notamment dans ses derniers titres, plus lents et lugubres, qui nous rappellent que Corvin's Breed sait y faire pour provoquer quelques frissons et convoquer quelques spectres plus mélancoliques dans son univers cauchemardesque.