Chronique | Bad Tripes - Les Contes de la Tripe

Pierre Sopor 31 décembre 2018

Les Contes de la Tripe est le troisième album des marseillais de BAD TRIPES, sorti alors que le groupe fêtait les dix ans de son existence turbulente. Mélange de metal, d'électro, d'indus, de punk et de guinguette avec un fond baroque inspiré par un paquet de films d'horreur, un album de BAD TRIPES est normalement la promesse d'un joyeux bordel qui pue la viscère, où l'on y braille plein de choses qui feraient rougir mémé tout en trémoussant son popotin, forcément vérolé.

Vu sous cet angle, Les Contes de la Tripe est une promesse tenue. En fait il nous faut très précisément deux minutes et une poignée de secondes pour savoir que l'on va passer un bon moment, soit la durée de Moteur, Action !, introduction aussi cinématique que son titre le laissait supposer, et les premiers riffs furibards de Fuck Me Freddy. Tout y est (ou presque) : l'ambiance démentielle qui se dégage de la première compo capte l'attention et les grosses guitares façon metal indus teuton qui lancent le deuxième morceau sont irrésistibles, autant que la double-pédale qui nous balance le refrain au visage. Et pourtant, il nous reste à retrouver le chant de Hikiko Mori, toujours aussi viscéral, qui a gagné en variété et assurance depuis Splendeurs et Viscères et s'amuse à reprendre la comptine du film de Wes Craven. Les paroles des chansons de BAD TRIPES sont sans aucun doute une des principales forces du groupe : il y a une véritable plume derrière, un sens de la formule et de la narration qui fait mouche. Chanter en français n'est pas évident, mais le ton juste est trouvé, ça sonne bien, entre obscénités et facéties morbides. Un peu à la manière des histoires publiées par EC Comics dans les années 50 auxquelles l'album fait référence avec son titre, Les Contes de la Tripe suinte l'humour noir par toutes les plaies et, pourtant, malgré une ironie constante et un côté un peu désuet, peut dégager un véritable malaise lors de moments plus sordides (Elizabeth, Baby Porn). 

Les Contes de la Tripe surprend par le bond en avant du groupe : plus varié, mieux produit, mieux chanté : avec son écriture incisive, il est l'album l'album le plus abouti de la joyeuse troupe. De la très electro et dansante Hansel à sa suite musclée Gretel (Alors petit papa si t'as un peu de décence / Veux-tu bien, s'il te plaît, rentrer dans c'putain d'four ? rugit Hikiko Mori), où l'influence de RAMMSTEIN est totalement assumée, en passant par le clin d'oeil à Patrick Hernandez (Baby Porn), l'énergie démoniaque de Car Nous Sommes Nombreux ou les choeurs déjantés tout droit sortis d'une bande-son de Danny Elfman pour Burton de Les Rendez-Vous de la Bête ou encore la mélancolie de Sombre Pigalle, l'album enchaîne les idées, les surprises, les trouvailles, les ruptures de ton et les petits détails qui font sa richesse. C'est à la fois totalement fou, décomplexé, hargneux, vicieux, méchant, mordant et rigolo. On y beugle et chantonne en roulant les rrr sur des sujets aussi réjouissants que l'inceste, le meurtre, la pédophilie, le cannibalisme : tous les ingrédients du conte sont là.

Les Contes de la Tripe est un album sacrément secoué, à l'univers addictif, fait de rage et de formules bien roulées. BAD TRIPES propose quelque chose d'unique, idéal pour mettre l'ambiance aux baptêmes et enterrements, un cauchemar pour vegan bien saignant, débordant d'une énergie communicative. On ne peut que souhaiter à BAD TRIPES plein de réussite, et, pour nous, de retrouver très vite le groupe sur la route.