Albums, films, passé, futur... parlons de Rob Zombie

Pierre Sopor 31 décembre 2018

Est-il nécessaire de présenter ROB ZOMBIE ? Pas vraiment. Le chanteur / réalisateur est une star du metal et son nom a également marqué le cinéma d'horreur depuis le début des années 2000. Mais déjà à l'époque de WHITE ZOMBIE, le cinéma était omni-présent dans son oeuvre, inspirant les textes des morceaux du groupe et ses clips. Si les goûts de Robert Bison sont bien évidemment portés sur le cinéma fantastique et de série B (The Curse of Frankenstein ou Faster Pussycat ! Kill ! Kill ! fournissent par exemple en samples des titres du groupe), son amour pour le septième art ne se limite pas aux œuvres les plus déviantes (il cite les Marx Brothers dans ses films) et ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne passe derrière la caméra (ce qu'il avait déjà fait occasionnellement, comme par exemple pour une scène du film Beavis & Butthead do America qu'il dessine).

Le pas est franchi il y a une quinzaine d'années avec la sortie de House of 1000 Corpses en 2003. La production a été compliquée : le film ne fait pas franchement d'efforts pour épargner les sensibilités des allergiques au genre. Tout l'univers de sa musique d'alors se retrouve dans ce film délirant et violent : couleurs pétantes, personnages excessifs et hystériques, satanisme, fête forraine, rednecks, tueurs en série, nécrophilie... House of 1000 Corpses est une plongée jouissive dans l'univers de ROB ZOMBIE et voit la naissance de personnages cultes, campés par des gueules du genre (Sid Haig, Bill Moseley, etc...). Le film appelle une suite, et c'est The Devil's Rejects, sorti en 2005. La carrière, ou plutôt les carrières de Rob Zombie prennent alors un drôle de virage.

The Devil's Rejects délaisse les couleurs bigarrées de House of 1000 Corpses : le maquillage des personnages a coulé, l'ambiance y est plus réaliste et poisseuse, la violence plus saisissante. Le film pue la sueur et le sang, mais outre le langage ordurier et la sauvagerie du film, on y retrouve un attachement sincère pour ses personnages et un humour noir toujours aussi jouissif. Le film est un succès critique et permet à Rob Zombie d'être catapulté parmi les réalisateurs les plus prometteurs du genre, annonçant un renouveau du cinéma d'horreur à l'époque. Mieux : les Firefly, sa famille de psychopathes, entrent dans la légende du cinéma d'horreur. En parallèle sort l'album Educated Horses (chronique) qui semble suivre une évolution similaire : la pochette, en noir et blanc, nous montre le chanteur sans son habituel maquillage, sans costume. Adieu l'ambiance carnavalesque : avec l'arrivée de John 5 dans le groupe, ROB ZOMBIE prend une direction moins industrielle, plus redneck, aux influences country assumées. Il se murmurait à l'époque que cet album pourrait bien être son dernier, du moins avant un moment : le monsieur était en effet bien plus concerné par sa carrière de réalisateur en train de décoller... Ce qu'on ignorait alors, c'est qu'il en était en fait à son apogée. On le retrouve même à la tête d'un pub pour de la lessive !

Il y a un piège difficile à éviter pour tout réalisateur qui monte à Hollywood : le remake. Rob Zombie fonce les deux pieds dedans et se retrouve à la tête d'une nouvelle version du cultissime Halloween de John Carpenter. Sorti en 2007, le film divise. Quoi qu'il arrive, toucher à une oeuvre aussi importante et aimée ne peut pas plaire à tout le monde. Pas dénué de qualité, le film semble pourtant partagé entre une vie de s'émanciper de son prestigieux modèle tout en n'osant pas trop s'en éloigner. En plus de ça, Rob Zombie s'embourbe dans une querelle avec ses producteurs, les sympathiques frères Weinstein qui, déjà à l'époque, avaient la réputation (méritée) d'être des ordures. Sans pour autant se planter, Rob Zombie ne réussit pas forcément à confirmer tous les espoirs placés en lui et il est probable que l'expérience lui ait laissé un goût amer.

Histoire de se libérer de son contrat, Rob Zombie sort en 2009 une suite à son remake. Halloween 2 est un four commercial, son premier vrai bide au cinéma. Cette fois-ci, il se lâche totalement et se lance dans un truc aux antipodes des slashers d'origine. Si son cinéma a toujours été influencé par les années 70, on sent ici que ce sont plus les délires hallucinogènes de Ken Russell que les tarés consanguins de Tobe Hooper qui l'inspirent : Michael Myers, silhouette (à la base) dépourvue de psychologie, de visage et d'humanité, se retrouve hanté par des visions oniriques de sa mère... On aperçoit même son faciès au travers d'un masque qui se déchire. Sacrilège pour les puristes ! Mais ça ne suffit pas : le rythme du film est bancal, la sauce a du mal à prendre et déjà, la tête de son auteur est ailleurs. La même année, il s'essaye à l'animation avec The Haunted World of El Superbeasto : un cartoon pour adultes via lequel il cherchait peut-être un échappatoire et un souffle de liberté qui lui manquait, loin de ses remakes hollywoodiens frustrants. Le film ressemble à une tentative de provocation adolescente : des gros zizis, des gros nénés, des nazis. Un programme réjouissant qui, malgré son hystérie, est bien trop poussif pour convaincre On sent que Rob Zombie patauge.

Il patauge tant et si bien qu'il revient à la musique à la même époque. Tout début 2010 sort Hellbilly Deluxe 2 (chronique), en référence à son célèbre album de 1998. Enregistré fin 2008, le disque est à l'image des derniers films de l'artiste : poussif. Le titre trahit un manque d'inspiration de la star (l'album aurait d'abord dû s'appeler Dark Revelation), manque d'inspiration évident aussi bien dans sa musique que ses derniers films. La meilleure chose qui accompagne cet album, c'est le retour de ROB ZOMBIE en Europe début 2011 : on ne l'y avait alors tout simplement plus depuis plus de quinze ans !

Alors que l'enthousiasme autour du cinéma de Rob Zombie semble s'être éteint pour de bon et que son dernier album est une déception, notre mort-vivant barbu sort en 2013 sa dernière réalisation : The Lords of Salem. Refroidis par ses derniers échecs commerciaux, aucun distributeur n'a voulu offrir au chance une sortie en salle digne de ce nom et le film sort dans une nombre très limités de cinéma, se faisant surtout remarquer en festival. C'est peut-être le film le plus controversé de sa carrière : nouveau ratage commercial, le film se fait assassiner par certaines critiques. Il faut dire qu'il est dans le prolongement des trips de Halloween 2 et aux antipodes de la furie de The Devil's Rejects, son oeuvre phare à laquelle tous ces futurs films seront inévitablement comparés. Plus ambiant, symbolique et étranges, porté par une bande-son incroyable de John 5 et avec Sheri Moon Zombie (oui, sa madame à la ville) qui joue ENFIN presque juste, c'est pourtant une oeuvre fascinante, totalement perchée, esthétiquement saisissante et sur laquelle souffle un vent de liberté salvateur comme si son auteur s'était affranchi de toute contrainte vis-à-vis de sa propre image et des attentes de son public. 

Ce second souffle créatif se confirme également dans la musique : quand ROB ZOMBIE sort Venomous Rat Regeneration Vendor en 2013, on a le plaisir de le redécouvrir. Un vent de renouveau fait respirer sa musique qui se fait plus décontractée et festive. Rob Zombie innove, s'éloigne de sa zone de confort, s'amuse à nouveau et le plaisir qu'il prend à créer est communicatif.

 

Il ne faut pourtant pas trop s'enflammer. Peut-être vexé par ses plantages successifs au cinéma, et désireux de retrouver son aura du début des années 2000, ROB ZOMBIE travaille sur un nouveau film d'horreur annoncé comme méchant, vicieux et extrême : 31. Sorti en 2016 directement en DVD (les films de Rob Zombie semblent avoir perdu pour de bon le chemin des salles), le film est la première véritable bouse de sa carrière de réalisateur. Dans une tentative ratée de faire croire à un retour au ton de The Devil's Rejects, Rob Zombie nous inflige une péloche poussive, où les personnages sont tous plus cons et crades les uns que les autres, incapables de s'exprimer autrement qu'en alignant des insanités supposées choquer les vieilles dames sans qu'aucune caractérisation de personnage de s'en détache. Ses personnages sont d'ailleurs tous aussi oubliables les uns que les autres, les acteurs sans charisme. Seul le pauvre Richard Brake et son impayable gueule tire son épingle du jeu dans ce brouillon bruyant, puéril et vain. Le constat est triste : en voulant nous faire croire qu'il savait encore mordre, peut-être par paresse, Rob Zombie en a oublié tout ce qui faisait de ses provocations passées de bons films. Il reste certes quelques plans vaguement regardables, mais le film est aussi laid que stupide.

On a vu au cours de la décennie passée que ses carrières musicales et cinématographiques sont étroitement liées en terme d'inspiration, ce qui se confirme à nouveau avec The Electric Warlock Acid Witch Orgy Dispenser (chronique), sorti en 2016. Essayant de surfer sur le même vent de fraîcheur que son prédécesseur, l'album est une succession de morceaux de moins de trois minutes construits autour d'un riff sympa et d'un titre scandé en guise de refrain. Ce qui aurait pu être très cool donne une sale impression de disque bâclé, comme un brouillon d'album pas fini et frustrant.

 

Ce qui nous amène à aujourd'hui, dernier jour de 2018. On sait que ROB ZOMBIE sortira son nouvel album en 2019 et qu'il a également terminé le tournage de 3 From Hell, son nouveau film. Que pouvons-nous en attendre ? 3 From Hell marque les retrouvailles souvent réclamées avec la famille Firefly de House of 1000 Corpses et The Devil's Rejects. Apparemment, il s'agira d'une suite des deux films et les acteurs principaux sont de retour. Si le premier réflexe peut-être l'enthousiasme, la méfiance est de mise... Pendant plus de dix ans, Rob Zombie a tout fait pour se construire une filmographie intéressante et variée, mais après des projets avortés (notamment un remake de The Blob et un film sur une équipe de hockey) et des ratés, ce retour ressemble à un aveu d'échec. Incapable de s'éloigner du genre qui l'a fait connaître et de ses personnages cultes, comme résigne, Rob Zombie espère probablement renouer avec le succès. Pourquoi pas, après tout, ça peut fonctionner. Malheureusement, on a vu dernièrement que sa tentative de revenir à un ton plus trash avec 31 n'a pas été un franc succès. Il reste a espérer que 3 From Hell, surfant sur la mode des "retours" de sagas cultes des dernières années, ne soit pas une baudruche, car dans ce cas Rob Zombie aura non seulement réussit à saborder des personnages iconiques mais, certainement, sabordé sa carrière de réalisateur pour de bon (ce qui n'empêchera pas le bonhomme de vivre ni de s'amuser à l'occasion et probablement sortir des films qui n'attireront plus l'attention qu'il aurait pu mériter). Au contraire, si 3 From Hell évite les nombreux pièges qui se tendent sur son chemin, il pourrait marquer le retour d'un cinéma jouissif et intelligent, qui a su digérer ses influences tout en ayant une personnalité forte, et capable de nous recoller une bonne grosse claque. Dans ce cas, la suite serait passionnante.