Chronique | Alice In Chains - Dirt

Pierre Sopor 29 septembre 1992

Deuxième album d'Alice In Chains, 'Dirt', paru en 1992 est souvent considéré comme le chef d'oeuvre le plus abouti du groupe originaire de Seattle. Par sa ville d'origine et son époque, Alice In Chains est souvent rattaché au mouvement grunge, mais ses éléments provenant du heavy metal, voire franchement du doom en font un groupe à la fois bien moins gentillet que Pearl Jam ou encore Soundgarden, et plus sombre que Nirvana. On note une petite étrangeté sur la tracklist "officielle" : une piste sans nom prend la place de 'Hate To Feel', décalant chaque titre (ainsi 'Angry Chair' est présentée sous le nom de 'Down In The Hole' sur l'album).Commençant sur les chapeaux de roue avec 'Them Bones', un de leurs titres les plus violents, 'Dirt' confirme l'ambiance oppressante propre au groupe, mais aux thèmes habituels de repli sur soi et de désespoir vient s'ajouter ici l'addiction aux drogues, représentant un moyen d'échapper à un monde effrayant. Ce qui ancre d'ailleurs clairement la formation dans la mouvance grunge et son rejet adolescent de la vie "adulte". La dépendance de Layne Staley à l'héroïne devient évidente, apportant au groupe un aspect plus tragique, maudit, condamné. Dès 1992, Alice In Chains porte les graines de sa fin tragique, avant sa renaissance récente. Musicalement, on retrouve des morceaux agressifs ('Them Bones', 'Sickman'), mais beaucoup de mid-tempo aussi planant qu'écrasant, comme la sublime et indispensable 'Angry Chair', 'Would' ou 'Hate To Feel'. Un album au ton fantomatique, halluciné, véritable chant funèbre, 'Dirt' est un voyage au pays des cauchemars et de l'isolement, un disque obsédant et hypnotique.