Chronique | Āleph - Entropy

Pierre Sopor 14 février 2019

Après un premier album, Coiled, sorti début 2017, Armando Alibrandi, plus connu pour son travail avec SUPERSIMMETRIA vient de rappeler ĀLEPH à nos bons souvenirs avec l'EP Entropy. La pochette, très proche de celle du précédent disque, nous replonge déjà dans l'univers mystérieux de sa musique, quelque part entre ambient, indus et noise.

C'est d'ailleurs ce mystère qui nous saisit dès les débuts d'Entropy avec Arrow of Time alors qu'un sound design inspiré et organique évoque le pendule d'une horloge. La notion de temps devient vague, l'effet est hypnotique. Les cordes et percussions évoquent subtilement l'Asie et invitent à un voyage hors réalité alors que la mélodie, répétitive, pousse à la méditation. Toujours aussi mystérieux, Entropia laisse plus de place à l'électronique mais, toujours, des sons organiques donnent un corps à la musique (ici le souffle du vent). Une voix samplée, lointaine et altérée par des effets d'échos la rendant impossible à situer dans l'espace accentue l'agréable impression de se perdre qui s'était emparée de nous dès les premières secondes du disque. Les nappes de synthé s'épaississent au fur et à mesure du morceau, deviennent plus présente et appliquent un nouveau voile brumeux à la musique qui touche au mystique. C'est apaisant et fascinant à la fois : les notions de temps qui passe et d'évolution sont liées à celles de vie intelligente, de technologie, de dégradation et donc de chaos, comme si la nature avait créé elle-même les conditions de sa destruction : la voilà, l'entropie évoquée par le titre et suggéré par cette alchimie entre les sons de machine et ceux plus naturels. Après une première partie de disque très ambiante et contemplative, le rythme semble s'emballer quelque peu sur Infinite Void, où le chant de Dimitra Tripi agit comme une nappe d'ambiance supplémentaire. Un final plus bruitiste pave le chemin à Ataraxia, morceau moins éthérée que les précédents, plus noise et à la rythmique électronique plus présente : d'un monde naturel, on a fini par s'approcher d'un chaos industriel et destructeur. Les deux remixes présents sur l'EP permettent de faire durer encore quelques minutes l'expérience et de l'approfondir, ce remix de Arrow of Time semble même nous inviter à relancer l'écoute depuis le début.

Il faut dire qu'on se sentait bien dans ce court EP, qui, en l'espace de quatre morceaux, réussit à nous faire voyager à travers l'espace et le temps. Avec sa musique, ĀLEPH tisse un lien habile entre son propos et ses compositions, donnant corps à ses idées avec talent. Il ne reste plus qu'à espérer que ce format court soit annonciateur d'un disque plus long dans un futur proche !