Après vingt-cinq ans d'existence, Psyclon Nine jouait pour la première fois en Europe l'an dernier (nous vous racontions la date à Nantes par ici). Visiblement, les choses se sont assez bien passées pour que Nero Bellum et ses camarades traversent à nouveau l'Atlantique... mais peut-être pas assez pour revenir en France tout de suite. Nous avons donc été apprécier les titres du récent et excellent And Then Oblivion (chronique) au Logo à Hambourg, une petite salle qui arbore fièrement quelques photos au mur de concerts passés. On regarde les "petits" groupes ayant joué sur cette drôle de scène, coupée en deux par une colonne porteuse en plein milieu : Gojira en 2010, Oasis en 1994, etc, avant de jeter un œil au stand de merch, qui, en plus des trucs habituels, est recouvert... de Teletubbies en peluche. Recouverts de corpse-paint. et Avec écrit "Satan", "Die" ou "Slut" sur le corps. Pour les Teletubbies sataniques, il faut remercier Pretty Addicted, qui joue en première partie.
PRETTY ADDICTED
Ces Teletubbies de Satan sont d'ailleurs une bonne introduction à l'univers de ce projet, porté depuis quinze ans par sa chanteuse Vicious Precious. Avec sa secte pour marginaux et "enfants brisés" qui viennent se réfugier sous l'ombre accueillante des ailes du Diable, Pretty Addicted détourne les codes des religions organisées (tout particulièrement le christianisme) et mélange ce rejet à des références horrifiques et un univers enfantin. Derrière la provocation, derrière les "Hail Satan !" scandés à répétition et les outrances aussi cathartiques que jouissives pour leur côté sale gosse, on devine une vraie tendresse pour ceux qui ne tiennent pas dans le moule, les bizarres, les fracassés, les gamins solitaires et les freaks en tout genre.
Tout cela se retrouve sur scène : Vicious Precious, accompagnée du batteur Loki Leviathan, habite la scène du Logo avec son énergie, sa rage et ses danses. Créature grimaçante venue cracher ses tripes, elle ne peut cependant pas dissimuler ses sourires derrière son maquillage. On vous disait que Pretty Addicted, c'est aussi de la tendresse, ainsi qu'une bonne dose d'humour. "Merci d'oublier que vous êtes goths et super cools et tout pour danser avec moi", lance-t-elle quand elle reprend Freed From Desire de Gala. Pretty Addicted sortait récemment l'album Little Dark Hymns for the Commune, un album peut-être plus menaçant et atmosphérique que la rave punk frénétique qui agitait encore le précédent We, the Broken Children of Hell. Sur scène, pourtant, Pretty Addicted n'est pas venu pour méditer dans la pénombre : c'est agressif, brut, sauvage, sincère et généreux. Assez, en tout cas, pour que nos deux "Devil's Rejects" réussissent à aller chercher les profanes présents dans la salle. Nous, on veut bien rejoindre leur culte, il a l'air accueillant et rigolo. Plus que les "Hail Satan" et l'imagerie horrifique, on retiendra un enflammé "on dispose tous des Droits de l'Homme !" lancé par la chanteuse, car c'est finalement ça, Pretty Addicted : une définition de l'humanité la plus large possible, sans restrictions mesquines. Peu importe que vous soyez aussi laids que nous, que vous ayez trop de ceci ou pas assez de cela, vous êtes ici à votre place.
Au stand de merch après le concert, Vicious Precious semble ravie de nous montrer toutes ses compétences en français : "putain", "merde", "salope", qu'elle nous dit, toujours avec ce sourire plus grand qu'elle. On lui suggère alors "gloire à Satan", histoire d'enrichir son vocabulaire et de faire bien en société.
PSYCLON NINE
A ce stade de la soirée, on pensait encore voir Antania qui accompagnait Psyclon Nine et Pretty Addicted lors de la tournée. Peut-être que le fait de ne rien comprendre à l'allemand nous a fait rater l'information, ou peut-être que ça avait été annoncé quelque part (mais où ?)... toujours est-il qu'en voyant Jon Siren prendre place derrière ses fûts, un doute nous saisit. On sait le batteur omniprésent, mais au point de désormais également cogner chez Antania, dont la musique n'a pas vraiment besoin de batterie ? Puis le guitariste Todd Buller pointe le bout de sa frimousse. Il jouerait dans Antania, lui aussi ? Ça commence à faire beaucoup de drôles de coïncidences. Et l'intro de Devils Work retentit. Bon, à ce stade, on comprend qu'Antania n'est plus à l'affiche et que c'est désormais au tour de la tête d'affiche de remuer le public du Logo.
Comme a son habitude, Nero Bellum multiplie les mimiques grotesques, se dissimule derrière ses mains griffues et prend des poses de gargouille. On est en revanche surpris par deux améliorations flagrantes par rapport au show de l'an dernier à Nantes, pourtant déjà très sympathique : il y a tout d'abord la technique, plus reluisante, qui nous laisse enfin la possibilité d'entendre clairement le chant. Ensuite, l'âme tourmentée derrière Psyclon Nine communique bien plus et semble d'excellente humeur. Il remercie copieusement le public, l'invective, se rapproche de son audience pour partager avec elle son énergie, semblant prendre à cœur d'offrir à chacun un excellent moment.
La setlist mélange les titres les plus récents aux classiques, on a donc droit à l'ambiance menaçante de See You All in Hell ou Money Sex and Death, à la rage aggrotech des incontournables Better Than Suicide et Divine Infekt, aux méchants riffs metal indus de Shoot to Kill ou CRWLNG FRM CNT T CSKT... L'ensemble démontre alors l'étendue de ce qu'est devenu Psyclon Nine, un monstre polycéphale capable d'associer des atmosphères glauques à la lourdeur du metal tout en ne s'interdisant aucune expérimentation électronique (les influences trap et dark ambient apportent respiration et profondeur). C'est à la fois varié, accrocheur, jouissif et riche. Jon Siren et Todd Buller assurent leur partie du spectacle et ça le fait à mort : électrisants ou terrifiants, les titres s'enchaînent bien trop vite pour un public conquis. Avant de conclure le show, le maître de cérémonie lance un "merci d'être venu à mes funérailles" bien dans le ton de la soirée, à la fois sinistre et réjouissant.
Quand il quitte la scène, Nero Bellum se rend immédiatement au stand de merch pour, devant ses tee-shirts et les Teletubbies customisés de Pretty Addicted, échanger chaleureusement avec les personnes présentes et signer quelques disques. Cette proximité avec cet artiste est rare, il fallait alors en profiter. L'histoire entre Psyclon Nine et l'Europe est toute récente et continuera de s'écrire tout bientôt puisqu'ils seront de retour dès septembre en première partie des Genitorturers. Là encore, aucune date française n'a été annoncée pour l'instant, mais on ne saurait trop conseiller la personne qui disait à Nero après le concert "revenez à Hambourg" de vérifier les dates prévues : ils rejoueront sur la même scène dans deux mois. Avec une setlist sans temps mort qui jongle judicieusement entre les classiques et les titres plus récents, un trio disposé à faire le show et à communiquer et un répertoire musical de plus en plus intéressant, Psyclon Nine n'a jamais été aussi convaincant. Espérons alors que cette histoire européenne n'en est qu'à ses premiers chapitres !