Hypno5e + Fragile Figures @ La Laiterie Artefact - Strasbourg (67) - 11 mars 2023

Live Report | Hypno5e + Fragile Figures @ La Laiterie Artefact - Strasbourg (67) - 11 mars 2023

Maxine 14 mars 2023 Maxine & Pierre Sopor Pierre Sopor

Samedi 11 mars nous retrouvions HYPNO5E sur la scène de la Laiterie, à Strasbourg, dans le cadre de la tournée de Sheol, leur sixième album sorti le 24 février dernier (chronique), avec en première partie FRAGILE FIGURES. La soirée s’annoncent riche en émotion puisqu’elle réunit deux groupes musicalement très différents mais qui se rejoignent dans leur volonté de travailler avec la poésie des images et la force de l’introspection, bref une soirée à ne pas manquer !

FRAGILE FIGURES

La soirée s’ouvre donc avec FRAGILE FIGURES, duo post-rock / post-noise cinématographique colmarien formé en 2019, qui unit Kai Reznik (à la guitare et aux machines) Julien Judd (à la basse) et qui est rejoint par Elise Gessier en 2022 à la vidéo. Les lumières s’éteignent et seul un écran nous permet de distinguer deux silhouettes qui arrivent sur scène tout en discrétion. Un écran d’abord blanc mais qui dès les premières notes aux envolées puissantes et poétiques s’anime de nombreuses images projetées en direct qui donnent une dimension encore plus forte à la musique qui se joue sous nos yeux. Ce sera comme à chacun de leur concert depuis un peu plus d’un an, l’acteur principal de cette représentation, justifiant ainsi le statut de "troisième membre" d'Elise, cachée dans l'ombre. Ces vidéos d’un noir et blanc franc, très contrasté (à l’image de la musique), captent nos yeux du début à la fin et, grâce à l’intemporalité des images d’un enchainement abstrait, nous déconnectent de la réalité du moment, de la rationalité du monde et de notre existence autant qu’elles nous reconnectent à nos émotions, à nos souvenirs ainsi qu’à nos rêves. C’est surement ce qui fait la force de ce live. Pas de place pour les silences, l’envoûtement instrumental ne faiblit pas, la boite à rythme, la guitare, l’absence de paroles, tout nous maintient dans un état introspectif intense qui pourrait encore durer une éternité pour notre plus grand plaisir. Malgré l’effacement certain du duo sur scène, un dialogue secret et silencieux se dessine avec les individus qui regardent et écoutent, nos émotions individuelles nous réunissent dans une humilité et une force palpable. Des sourires, des regards, quelques mots de Julien, des petits détails qui nous laissent un sentiment très humain très loin de la froideur qui aurait pourtant pu s’installer dans cette pénombre. Une très belle expérience encore donc, qui nous prépare parfaitement à la suite et nous laisse une profonde envie de les revoir très vite.

HYPNO5E

Alors que FRAGILE FIGURES profitait de la pénombre pour effacer le réel et plonger le public dans son univers visuel grâce aux projections à l'écran, HYPNO5E fait le pari d'un dispositif scénique allégé par rapport à sa dernière tournée. Les écrans de l'époque A Distant (Dark) Source ont disparu et le groupe se présente en toute simplicité. On y gagne en proximité avec les musiciens, d'une certaine manière, qui ne sont pas avares en sourire (le temps passé en remerciements et saluts à la fin du concert ne trompe pas : l'accueil du public fut à l'image de l'échange, chaleureux), mais ce choix fait aussi écho à l'orientation moins écrasante et impitoyable de la musique du groupe sur son dernier album, Sheol. Plus d'humain, plus de chaleur... Mais toujours ce sens du contraste, de la tempête qui déboule, de la lourdeur pachydermique d'un riff, de la violence d'un cri après des parties plus introspectives. Pour décrire la musique d'HYPNO5E à des profanes, il faudrait grossièrement simplifier à une rencontre entre GOJIRA et les origines boliviennes du chanteur Emmanuel Jessua, le tout hanté par la poésie de la nouvelle vague du cinéma français. Les morceaux sont longs, le chaos y côtoie l'intime, le temps par exemple de Central Shore : Tio. Côté setlist, comme Jessua nous l'expliquait en interview, le groupe essaye de faire vivre son précédent album, dont l'existence scénique a été abrégée par la pandémie, tout en mettant en avant les nouveaux titres : les deux albums étant pensés comme un diptyque, la cohérence musicale aussi bien que narrative est assurée. L'énergie, la bienveillance et la mélancolie qui se dégagent du concert plonge son audience dans une petite bulle étrangement douce et apaisante, malgré la sauvagerie des tourments, malgré la frappe impressionnante du fraîchement arrivé Pierre Rettien à la batterie. Quand le groupe finit par quitter la scène sous les acclamations enthousiastes d'un public conquis, on se rend compte à quel point la traversée fut aussi belle que mouvementée.