Dead Can Dance + David Kuckhermann @ RuhrCongress - Bochum (DE) - 18 juin 2019

Live Report | Dead Can Dance + David Kuckhermann @ RuhrCongress - Bochum (DE) - 18 juin 2019

Cécile Hautefeuille 20 juin 2019 Cécile Hautefeuile Cécile Hautefeuille

Enfin ! Après tant d'années, nous pouvons fièrement vous présenter notre premier compte rendu de concert de DEAD CAN DANCE. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Le groupe a connu quelques années de séparation, et même lorsqu'ils ressortent un album, ils ne sont pas souvent sur la route (leur dernière tournée date de 2013). La malchance s'est également incrustée dans ce panorama. Empêchement de dernière minute, accréditation refusée, reports en tout genre... La malédiction s'est peu à peu installée et nous sommes heureux de pouvoir enfin la briser. Cette fois-ci, c'est la bonne ! Nous sommes à Bochum, en Allemagne, et comme pratiquement chaque date de cette tournée Dionysus, DEAD CAN DANCE joue deux fois dans cette ville. Voici le récit de la première soirée.

David Kuckhermann

Le RuhrCongress de Bochum est une grande salle avec balcon, qui peut accueillir 3500 personnes en places assises. Imaginez-vous donc cette salle pleine de monde, et une tout aussi grande scène. Et sur cette scène monte un petit jeune homme, seul, percussions à la main. Il ne faut pas avoir le trac pour s'adonner à ce genre d'exercice. Seul en scène, DAVID KUCKHERMANN ne peut s'appuyer que sur son charisme et ses dix doigts habiles pour conquérir le public.

En fait, il n'est pas inconnu au bataillon. Le munsterois fait partie intégrante de DEAD CAN DANCE pendant les tournées, et ce n'est pas la première fois qu'il assure également leur première partie. Le percussionniste est réputé à travers le monde et joue avec de nombreux autres groupes de tous horizons. Et lorsqu'il n'est pas en tournée, il dispense son savoir aux apprenants. Ainsi, vous pouvez retrouver en DVD (et sur youtube) ses cours de handpan, de cajon, de frame drum ou de riq.

Ce soir, il nous fait découvrir en accéléré quelques instruments de sa collection, son favori étant le handpan. Le quoi ? Le handpan, dérivé du plus connu steelpan, que vous aurez tous reconnu lorsque vous l'aurez googlé. De manière très raccourcie, le handpan est un steelpan mais convexe. Et DAVID KUCKHERMANN fait des miracles avec.

S'ensuit une démonstration de shakers dont lui seul a le secret. Le public, stupéfait, l'applaudit et siffle ses exploits pour le motiver à aller encore plus vite. Mais le plus impressionnant vient ensuite avec le riq, qui n'est autre qu'un petit tambourin arabe. Avec un tambourin et seulement dix doigts, DAVID KUCKHERMANN donne l'illusion d'être un groupe de cinq musiciens. Les seuls en scène qui aiment toucher à tout ont tous cette petite pédale qui permet d'enregistrer des boucles et les rejouer ad vitam aeternam, afin de rajouter à chaque début de boucle une nouvelle couche de sons. Eh bien c'est à peu près ce à quoi ressemble le show de DAVID KUCKHERMANN... mais sans pédale ! On entend plusieurs nappes à la fois, si bien qu'il paraît impossible de sortir autant de sons en même temps d'un seul instrument.

L'artiste est très chaudement applaudi pour sa prestation, malheureusement très courte, trente petites minutes, et qui se termine par le morceau Prelude. "Oui, je sais, c'est un peu bizarre de clore un set avec un titre qui s'appelle Prelude, mais j'aime bien jouer ce morceau à la fin", plaisante-t-il.

Dead Can Dance

À 21h pile démarre le set tant attendu de DEAD CAN DANCE. Les deux principaux membres Lisa Gerrard et Brendan Perry sont accompagnés d'une joyeuse - et nombreuse - troupe. Six musiciens (dont David Kuckhermann) complètent la scène. Deux claviers, un batteur, un bassiste, un percussionniste, et un touche-à-tout qui s'avère être un mélange de l'un des sept nains (Timide serait approprié) et du frère jumeau caché de Brendan Perry. Pour les besoins de ce compte-rendu, on l'appellera Tac (Tic étant David Kuckhermann).

Dès le début, DEAD CAN DANCE nous donne une sacrée gifle. Il y a des groupes qui sonnent comme un album studio parce qu'ils jouent par-dessus une bande pré-enregistrée. Il y a des groupes qui aiment improviser et sonnent délibérément autrement que sur leur album. Et puis il y a certains groupes, comme DEAD CAN DANCE, qui sonnent comme un album studio, mais tout en live. Voilà de vrais musiciens qui connaissent leur partition, un véritable orchestre qui ne laisse pas de place à la fausse note ou au demi-temps de retard. Ils ont tous un métronome incorporé et nous font croire, mine de rien, que c'est facile ! Ainsi, Tic et Tac vont passer pratiquement l'intégralité du concert à faire des mimiques humoristiques, à se taper fesses contre fesses, à improviser des chorégraphies en rythme avec leurs percussions, à faire des blagues entre eux. Comme à la maison !

C'est un grand paradoxe que cette solennité mêlée à une très grande spontanéité. Lisa peut chanter la douleur et paraître froide, et l'instant d'après sourire comme une enfant pleine d'innocence. La bienséance veut souvent que, lorsqu'un musicien ne joue pas un titre, il se retire de la scène. Mais finalement, pourquoi ? Lisa reste, elle. Elle s'en fiche qu'on la voie chanter les paroles de Perry, remettre son oreillette, dodeliner de la tête ou frapper dans ses mains. D'ailleurs, à l'inverse de ce dernier qui n'a ouvert les yeux qu'une fois en une heure et demi, Lisa se permet de regarder le public droit dans les yeux, et de lui sourire. Elle est à l'aise, la scène, c'est chez elle. Et la maîtresse de maison fait tout pour que ses invités se sentent les bienvenus. Elle ne parlera pas une seule fois au micro, mais ne cessera de désigner d'une main ouverte et bienveillante ses amis musiciens, s'effaçant presque pour leur laisser tout le mérite. La complicité est prégnante. Finalement, c'est entre Gerrard et Perry que l'ambiance est plus froide. Est-ce parce qu'ils se connaissent par coeur et n'ont plus besoin de se regarder pour communiquer ? Il faudra en tous les cas attendre le dernier titre, Dance of the Bacchantes, pour que Lisa se tourne pour la première fois vers son acolyte et lui adresse un sourire.

Abordons à ce propos la setlist, car DEAD CAN DANCE a inventé un nouveau concept : celui de faire une tournée au nom et aux couleurs du dernier album afin de promouvoir celui-ci, et de n'interpréter qu'un seul titre (le plus court) du-dit album, en fin de set. Un peu dommage, car Dance of the Bacchantes en live avec Tac au berimbau, ça envoyait du sacré pâté ! Ce fut le seul titre qui en a fait décoller quelques uns de leurs fauteuils. On en prend plein les oreilles.
Outre ce détail, le groupe revisite toute sa discographie avec cette tournée... ou presque. Petite déception personnelle, DEAD CAN DANCE a joué des titres de tous leurs albums... sauf de mon album préféré (je vous laisse deviner lequel à l'aide de la setlist ci-après).

Malgré cela, il faut bien avouer que l'émotion est présente tout du long. La voix de Lisa Gerrard est tout simplement exceptionnelle. On sent son affinité plus prononcée pour sa véritable langue maternelle, celle du coeur. Lorsqu'elle chante en anglais, elle se fait plus timide, moins émotive, plus concentrée. Elle va même se tromper en souriant durant The Wind that shakes the barley - ce qui à vrai dire est rassurant, on se sent moins seul à confondre les strophes, ça lui arrive même à elle. Tandis qu'elle chante à pleins poumons et avec un visage bien plus expressif lorsqu'elle nous fait son yaourt, sa langue des émotions.
Sa carrière a éclipsé avec le temps celle de Brendan Perry. Et pourtant, lui aussi a du coffre et le fait savoir. Sa voix est même presque meilleure en live qu'à la maison. Il n'a vraiment rien à envier à sa partenaire. Les deux font la paire.
En parlant de paire, Tic et Tac vont jouer les multi-instrumentistes. Shakers, derbouka, djembé, mandoline, guitare, clavier, berimbau... rien ne leur est impossible. Même le bassiste viendra jouer un peu de clavier de temps à autres.

On fait quelques blagues pour cacher le fait qu'on a quand même chialé une bonne partie du concert. C'était intense, sobre, spectaculaire, bouleversant, vrai. C'était DEAD CAN DANCE.

Setlist :
01. Anywhere Out of the World
02. Mesmerism
03. Labour of Love
04. Avatar
05. In Power We Entrust the Love Advocated
06. Bylar
07. Xavier
08. The Wind That Shakes the Barley
09. Sanvean
10. Indoctrination (A Design for Living)
11. Yulunga (Spirit Dance)
12. The Carnival Is Over
13. The Host of Seraphim
14. Amnesia
15. Autumn Sun (Deleyaman cover)
16. Dance of the Bacchantes

Rappel 1 :
17. Song to the Siren (Tim Buckley cover)
18. Cantara

Rappel 2:
19. The Promised Womb
20. Severance