Nous avons profité que FauxX passe par Paris (on vous racontait cette date par ici) pour aller discuter avec Joachim et Job. Ils nous parlent de leur nouvel album Anteroom (chronique) et son approche plus rentre-dedans, toujours à cheval entre metal industriel, darksynth, hardcore et d'autres choses, mais aussi de leur tournée en cours, leurs envies, leur passion en tant que musiciens... qui doivent parfois mettre des chemises. Ou pas. Lisez, vous verrez (suspense).
La photo d'illustration est signée Jaques Rolland.
Votre nouvel album a pour titre Anteroom, que représente cette antichambre pour vous ? Est-elle un miroir de votre état d'esprit actuel ?
Joachim : C'est une sorte de salle d'attente avant le point de bascule, qu'il soit individuel ou collectif. La dernière pièce avant que tout dérape. Certaines chansons traitent de sujets plus intérieurs et personnels tandis que d'autres ont une approche plus globale. Certains textes ont quand même été écrits avec un ressenti assez explosif car j'ai un tempérament intérieur assez bouillonnant et parfois j'ai envie de fracasser des trucs, il faut que ça sorte. La musique permet cela.
Job : Il ne dit pas grand chose mais quand ça sort, ça sort ! C'est vrai que FauxX est notre exutoire, nous avons conçu ce projet ensemble pour créer un électrochoc et aller chercher des émotions que l'on ne pouvait pas retranscrire et créer ailleurs. Cela dit, nous pouvons aussi être positifs sur certaines choses, ou en tout cas avoir de l'espoir en la vie. Joachim est végétarien par exemple, c'est une façon de nous protéger ainsi que nos enfants et nos familles, tout n'est pas tout noir. Il faut avancer malgré tout. Je ne crois plus aux changements radicaux, mais si chacun faisait un tout petit effort tout le temps, ce serait énorme : baisser nos dépenses en électricité par exemple, garder un œil sur la propreté du sol, polluer moins, consommer plus intelligemment... on pourrait avancer un peu car nous sommes quand même des milliards.
Anteroom a un côté plus "rentre-dedans", ce qui va finalement très bien avec son thème. Pouvez-vous nous parler de ce choix et de sa composition ?
Job : Nous avons essayé de moins nous prendre la tête sur ce nouvel album, de "ranger la chambre" comme on dit, car parfois ça partait un peu dans tous les sens. C'est le live qui nous a construits comme ça : nous avons fait quarante dates depuis le premier album et il est important de savoir ce que l'on souhaite jouer en live, sans perdre les auditeurs.
Joachim : C'est vrai que les longs passages sur un album, tu les apprécies quand tu es en immersion, mais en live ça marche moins bien. Tu perds les gens pour qui c'est un peu frustrant, mais tu te perds un peu toi-même aussi. Cet album contient moins de morceaux à tiroirs et va un peu plus droit au but.
Job : Aussi, on a plus confiance en nous et ça joue, c'est certain. On n'a plus peur de composer des choses assez simples parfois, parce qu'on sait qu'à un moment dans le morceau il va y avoir un truc de barjot, donc c'est pas grave. Je n'ai plus de problème à faire "pouf/paf, pouf/paf" sur ma batterie. Je m'en fiche car je sais que la partie d'après va être incroyable. Après un certain âge on n'est plus dans la course à l'exploit ou à l'égo du style "regardez nous, on est géniaux " !
En ce qui concerne le processus de composition, nous sommes très complémentaires ! Joachim peut arriver avec une idée, des riffs ou une démo, et je vais poser des rythmes de batterie beaucoup plus hybrides dessus, ce qui va amener cette première idée vers une autre couleur, puis il va recomposer par dessus, puis à mon tour... Parfois j'arrive aussi avec un riff de batterie. Il doit alors composer une boucle et tout un morceau par rapport à ça, ce qui le pousse à sortir de sa zone de confort. Burnt Velvet Retinas en est l'exemple le plus flagrant : c'est un noyau de batterie et tout ce qu'il a construit autour était en fonction de ça ! Tout est tellement bien imbriqué que si tu changes un seul coup de grosse caisse, ou la moindre petite chose d'ailleurs, ça ne va plus. Tout est lié comme ça.
Joachim : Ce morceau à été un peu long à composer, je me suis un peu perdu et il y a eu plusieurs versions mais sinon c'est vrai que tout ça se fait assez naturellement.

Votre musique est un peu difficile à classer. Job tu viens plutôt de la scène hardcore et tu disais moins connaitre la scène indus, est-il plus facile pour innover au sein d'un genre d'y être un peu étranger ?
Job : Évidemment ! Je n'aurais jamais fait ce projet sans Joachim, mais lui n'aurait pas fait ce groupe-là sans moi non plus ! Ça aurait été un autre batteur, ça n'aurait pas donné la même chose, car ça n'aurait pas été mon background et il n'aurait pas eu le même groove. Quand je suis arrivé j'étais un peu vierge concernant le metal indus, je n'ai jamais cherché à refaire quelque chose d'existant. Mon école c'est le Hardcore, c'est vrai que j'en ai fait longtemps. On voulait vraiment créer cet électrochoc de nos deux mondes si différents : tu les prends tu les mélanges et ça donne FauxX.
Joachim : C'est son énergie qui donne toute la particularité au projet.
Votre univers est à a fois concret et dystopique, êtes-vous dans la création d'un univers malgré votre absence de maquillage, costumes, etc... ou est-ce juste un projet plus intimiste et personnel ?
Job : Tu ne serais pas trop pour je pense !
Joachim : Non, c'est vrai. Nous ne voulons pas vraiment créer un univers à part entière. Tout se passe dans la musique. Il s'agit de parler de nos émotions mais pour le reste on ne s'est même jamais trop posé la question.
Job : Si, pour notre date au petit théâtre je lui ai demandé "est-ce qu'on se met quand même une chemise pour l'occasion ?!"... lui a dit non, mais moi j'ai quand même mis la chemise ! C'était la première fois que j'en mettais une !
Joachim : Je ne suis pas très "groupe à costume", j'avoue que ça m'emmerde un peu. On est dans une période où chaque groupe de metal a besoin d'une identité, d'un masque, d'un costume... Ce qui peut être bien, mais comme toute époque, il y a ce moment où chaque mode devient un peu surfaite. J'ai pourtant écouté des projets dont les membres se grimaient beaucoup notamment dans le black metal mais nous ne venons pas de ça et nous voulons plutôt mettre notre musique en avant, avec de la lumière quand on peut le faire. C'est l'essence du hardcore : tu viens sur scène comme tu es.
Au Hellfest vous avez pourtant joué avec un écran, ça rendait très bien ! Était-ce votre idée ? Est-ce quelque chose que vous voudriez réitérer pour vous différencier malgré tout, notamment en festival ?
Job : C'est Nine Ich Nails qui a exigé cet écran ! Il a également été mis à disposition par le Hellfest pour les autres groupes, qui l'ont très peu utilisé d'ailleurs, mais nous on s'est dits pourquoi pas ! C'était un vrai plus, surtout que l'on ne bouge pas vraiment sur scène.
Joachim : On m'a formé vite fait sur un logiciel pour faire du mapping, j'ai importé plusieurs fichiers notamment des extraits de nos clips et ça a pu être diffusé en direct le jour J. C'était un peu de travail mais je n'ai aucun regret, c'était vraiment cool à faire. C'est vrai qu'on y pense pour se différencier un petit peu. Récemment, Sierra Veins nous a marqués avec son show light et sa scénographie, par exemple. Ça change tout. Au début nous avions des Jarag, des sortes de grosses boites avec des lampes dedans que l'on peut matricer, on avait des pieds... mais sur des tournées comme la notre actuellement, la logistique n'est pas possible, il n'y a pas d'accueil light, il n'y a rien. Étant donné que l'on joue en frontal, en mode match de boxe, on se dit qu'il y a peut-être un truc à faire avec des toiles et des projections à l'intérieur ou à l'extérieur de celles-ci par exemple... On a des idées à développer.
Job : Il faut aussi des salles où c'est possible de faire ça, mais ça va venir !

Vous êtes tous les deux derrière vos instruments en live, aimez-vous cet exercice ? Ressentez-vous quand même une connexion avec le public ?
Joachim : Oui, on y arrive complètement, surtout quand on enchaine des lieux de petites et moyennes tailles comme actuellement.
Job : Le problème c'est que selon les salles, le son est parfois catastrophique et on ne peut rien faire : il n'y a pas de sub par exemple, ou la sono est pourrie parce que le mec ne sait pas faire... C'est frustrant mais on fait front tous les deux ensemble. Quand il n'y a pas de place sur scène on joue face à face et on essaye de se marrer autant que possible parce que les conditions sont très difficiles en tournée, mais c'est formateur, on se forge comme ça. Tu peux nous laisser à disposition n'importe quelle scène bien équipée maintenant et alors là c'est parti, on n'a plus peur de rien. Je suis très fier de faire ça, l'expérience est très différente ici qu'avec d'autres projets et j'apprends plein de choses que je n'aurais pas apprise ailleurs, même dans des salles plus grandes qu'on fait avec Tagada Jones par exemple. Bon, on sera quand même contents quand ce sera fini dimanche, parce qu'on sera contents de rentrer, mais on sera aussi ravis de l'avoir fait. On traverse un peu tout... on est sur le chemin d'un vrai groupe, quoi. Si tu ne passes pas par-là, tu n'as pas tout mérité.
Un exemple d'une date pourrie dont vous voulez nous parler ?
Job : Récemment, on a eu une date où nous ne sommes même pas restés jusqu'à la fin à cause des conditions d'accueil pour dormir qui étaient déplorables. Tout était moisi et sale.
Joachim : C'était Trainspotting dans le Doubs, vraiment... On nous fait rentrer dans un appartement et notre tour manager Nico, qui était malade, a tout de suite dit " les gars moi je ne dors pas là !". On a vu qu'il y avait un hôtel à dix minutes alors on a filé et on a pris une chambre là bas, on n'a pas eu le choix.
Job : Un autre soir, le système de son était tellement pourri lorsqu'on a joué que les gens nous ont dit n'avoir entendu que de la batterie et les cymbales. Jouer trois quart d'heure pour ça, c'est décevant pour tout le monde. Tout ça pour rien. La batterie ne doit en aucun cas être au-dessus, tout doit être aligné et la voix un peu plus forte. Heureusement, ce n'est pas tout le temps comme ça. Hier soir nous avons eu de super retours ! Le meilleur son de la soirée ! Et puis il faut dire que nous avons la chance d'avoir commencé assez fort avec le Hellfest la première année...
Joachim : Oui, alors que là c'est un peu le retour à la réalité, nous avons beaucoup moins de moyens sur cette tournée.
Job : Après, tu vois, tu nous interviewes, New Noise nous a aussi interviewés récemment, c'est cool on est contents ! On a de super retours de connaisseurs et c'est ça qui nous touche. Plein de gens ne comprennent pas notre musique, ils écoutent un ou deux morceaux, nous disent que c'est bien joué mais ne savent rien en dire d'autre.
Job, en tant que batteur tu es un peu plus exposé sur scène grâce à cette configuration, est-ce quelque chose qui te plait ou préfères-tu être planqué un peu plus loin ?
Job : J'aime surtout faire des choses différentes. Tu peux me mettre derrière, c'est ok, je serais derrière. En l'occurrence, là nous ne sommes que deux donc je suis un peu obligé de me mettre devant avec lui. Après, j'ai ma façon de jouer : mon visage se décompose parce que je suis dans ma bulle ! Comme une mini transe, je ne vois plus ce qu'il se passe à côté. Je fais toujours des sales gueules quand je joue !
Tu es un super batteur à prendre en photo !
Job : Ouais je vis ce que je joue ! Ce qui est super, c'est de faire les deux, peu importe où je suis placé. Je suis très fièr de moi d'avoir deux projets si différents. J'aurai pu être dans un groupe plus connu, qui marche plus, jouer une musique plus classique, mais ce n'est pas ce chemin que j'ai pris. Je fais de la musique un peu futuriste avec Joachim et voilà, c'est très bien. De toute façon, même si là je sens que les gens me regardent plus c'est vrai, car ils sont parfois un peu interloqués, nous ne les regardons pas quand nous jouons. On est dans notre truc.
Pourquoi avoir choisi de faire une reprise de Here Comes The War de New Model Army ? Avez-vous pour projet de multiplier les reprises ?
Joachim : New Model Army est un groupe qui représente l'alternatif des années 90 et qui a un parcours qui s'inscrit dans la durée. Ils ont fait beaucoup d'albums et ils ont ce son un peu à l'ancienne, je dirais. Je trouve ce morceau dingue et hyper fédérateur. Les gens entrent dans un ferveur absolue quand ils l'entendent en live, c'est dingue.
Job : C'est son morceau d'ado ! Il était jeune !
Joachim : Il a aussi une résonance particulière avec le thème de notre album. "Here Comes The War" justement, le point de rupture, ce moment ou un pays entre en guerre. Ça faisait sens.
Job : Je lui avais dit qu'il fallait qu'on fasse une reprise ! Finalement c'est lui qui a trouvé le morceau il m'a dit "ça y est ! Ça c'est ma reprise !". Le but n'est pas d'en faire plein, une c'est bien.
Joachim : Il y a plein de groupes que l'on a écoutés dans les années 90 et il y avait toujours une reprise ! J'ai toujours aimé ça. J'ai découvert un groupe électro dont j'oublie le nom et en écoutant l'un des morceaux, ma copine me dit "mais attends ça c'est The Cure !". La musique n'avait rien à voir mais elle a reconnu la ligne de chant car elle connait bien The Cure. Cela faisait des années que j'écoutais ce morceau sans savoir que c'était une reprise de The Cure !
Job : La notre respecte l'originale en revanche. C'est la même structure mais un peu distordue, comme dans un cauchemar.
On peut dire que c'est ton morceau "nostalgie" ?
Joachim : Il y a de ça, oui. Il y a des fins de soirées pendant lesquels, un peu aviné, je le mettais à fond dans le salon ! On me disait "arrête Jo, là c'est bon !"
Et toi Job, ton morceau nostalgie?
Job : Il y en aurait tellement ! J'ai tellement écouté de choses. Si je devais en choisir un, je le choisirais datant de l'époque à laquelle je ne jouais pas de musique. Du Simon And Garfunkel, du Supertramp, tout ce que j'écoutais avec ma mère et ma sœur... pourquoi pas Talkin' Bout Revolution de Tracy Chapman, tu vois, dans une version qui colle à notre univers.
Vous présentiez FauxX comme un laboratoire musical, avez-vous appris des choses dans FauxX que vous auriez envie d'apporter à vos autres projets ?
Joachim : Oui, j'ai créé Cephalon 313 entre temps et c'est vrai que l'envie de ce projet dans lequel je suis seul est partie de FauxX, même si l'univers est assez similaire.
Job : C'est plutôt pratique car je ne suis pas tout le temps là !
Joachim : Il y a de ça, et puis pour confirmer quelque chose, pour prolonger l'expérience des machines que j'ai développées avec FauxX, sans batteur mais avec une guitare, ce qui n'était pas prévu à la base. FauxX a déclenché pas mal de trucs en termes d'envies.
Job : Personnellement quand je joue beaucoup avec FauxX et que je reviens dans Tagada Jones, mon régisseur me dit toujours "Ah, là t'es bien ! Ça se voit que t'as joué ! ". À l'inverse quand j'arrive dans FauxX, je ne suis plus rationnel, j'encaisse tout parce que je fais 90 dates par an. Je n'ai pas de problèmes d'endurance ! Je me suis quand même chié dessus avant la date au petit théâtre parce que c'était la première fois que l'on jouait le nouvel album, chez nous et dans un superbe lieu... Alors qu'à l'Olympia avec Tagada, pas du tout ! Ça faisait plaisir !
Joachim : J'étais tellement paumé ce soir au théâtre, j'avais trop de pression, je n'y arrivais plus ! Je ne savais plus quoi faire des câbles, je n'arrivais plus à réfléchir. Ensuite on est partis sur la route, et là ça fait une semaine qu'on joue.
Job : Y'aura deux trois pains mais on s'en fout. On va jouer à fond !