Chronique | Trent Reznor & Atticus Ross - Watchmen : Volume III (Music from the HBO Series)

Pierre Sopor 18 décembre 2019

La série HBO Watchmen s'est terminée : la dernière partie de la bande-originale composée par Trent Reznor et Atticus Ross peut donc sortir sans craindre de spoiler des événements au travers de titres plus ou moins cryptiques. Trois volumes, une aubaine pour les collectionneurs (moins pour les porte-monnaie), mais aussi un moyen pour les artistes de s'assurer que chaque morceau aura droit à une écoute...

Ils ont été malins, Reznor et Ross. Avec la première partie de leurs compositions, ils nous avaient balancé en pleine poire pas mal de tubes catchy, du pur rock industriel aux guitares saturées digne de NINE INCH NAILS... Avec le recul, la démarche prend des airs de Cheval de Troie pour, petit à petit, entraîner l'auditeur vers des terrains plus atmosphériques. La série réalisait un coup similaire , avec son début réaliste, ancré dans une réalité poilitique très actuelle et boosté par quelques scènes d'action, qui glissait progressivement vers des domaines plus mystiques et science-fictionnels.

Pourtant, cette troisième partie commence avec des nappes bien graves, bien anxiogènes, bien apocalyptiques. DOOMSDAY PREPPER la bien nommée a encore en elle des échos de The Fragile à exorciser. L'humeur générale est plus contemplative et mélancolique, à l'image de la deuxième partie de la série. Fausse nostalgie (THE WAY IT USED TO BE : Reznor n'avait plus osé toucher à un saxo depuis trente ans, jusqu'à ses récents EP, et là il y va à fond dans les cuivres dégoulinants), mélancolie, intrsospection... Cette dernière partie n'est pas centrée sur la castagne rigolarde.

Pourtant, une ironie continue d'infuser l'ensemble, grâce toujours aux transitions narratives (A MAN WALKS INTO AN INTRINSIC FIELD) dont la voix apporte une humanité et une chaleur qui facilite l'attention des oreilles peu patientes face aux ensembles instrumentaux, mais aussi aux titres des morceaux, renvoyant forcément à différents épisodes (STUPID PANTIES et son electro minimaliste futuriste). Le duo n'a pas peur d'y aller avec des gros sabots (l'épique LINCOLN TUNNEL et ses chœurs, c'est de l'émotion taille poids lourd, mais c'est assez bien fait pour rester gracieux), ni de s'orienter vers des expérimentations noise (NOTHING NEVER ENDS).

En parlant d'émotion et de grâce, la conclusion de la version digitale est redoutable (certains morceaux, non présents sur le vinyle, sont téléchargeables gratuitement sur le site de NINE INCH NAILS). En reprenant Life On Mars de Bowie avec un simple piano et quelques nappes, Reznor réussit un hommage élégant et poignant à son ami et, avec simplicité, met en valeur leurs génies respectifs dans ce que l'on peut voir comme une nouvelle "collaboration posthume".

Bon, et forcément, "Mars", ça veut dire Dr Manhattan : le choix de la musique associée à un Dieu n'est pas anodin. Une bonne bande son mise sur les bonnes scènes, ça décuple leur impact. C'est en ça que le travail de Reznor et Ross sur Watchmen est admirable : la série est une réussite, mais une partie de cette réussite est dûe à sa magnifique bande-son qui, tout du long, en sublime les passages.