Chronique | The Great Old Ones - Cosmicism

Pierre Sopor 16 novembre 2019

Album après album, THE GREAT OLD ONES s'est imposé comme un groupe incontournable de la scène black metal française. Si la régularité des sorties (EOD : A Tale of Dark Legacy n'a que deux ans) pourrait légitimement faire craindre aux fans une perte d'inspiration, Cosmicism devrait les rassurer : il n'en est rien.

Alors que les précédents albums du groupe adaptait chacun une oeuvre précise de Lovecraft, Cosmicism, comme son nom l'indique, embrasse l'intégralité du panthéon de célèbre écrivain. Chaque titre est ainsi dédié à un de ses Grands Anciens. Thématiquement, THE GREAT OLD ONES ne perd cependant pas en cohérence en faisant éclater sa narration (le groupe se permet même sur Lost Carcosa de dévier en citant le travail Chambers, dont le travail peut être associé au misanthrope de Providence) et semble avoir encore gagné en puissance et en ampleur.

La grande force du groupe reste, encore et toujours, les ambiances qu'il réussit à créer. Si sa musique est brutale et féroce, elle est aussi atmosphérique : la mélancolique introduction Cosmic Depths plante d'ailleurs un décor brumeux qui sied parfaitement à un automne froid et humide de la Nouvelle-Angleterre. L'humeur de ce début infuse d'ailleurs tout l'album, dès The Omniscient, dédiée à Yog-Sothoth, dont la lourdeur abyssale nous tétanise et nous écrase alors que quelques accords minimalistes répétés tout au long du morceau suffise à installer un climat de démence. Folie toujours toujours avec le titre suivant, Of Dementia, dont les chœurs suffisent à invoquer l'image des cultistes encapuchonnés s'adressant à Cthulhu. C'est noir, mystique et beau. Un rythme plus rapide n'empêche pas un désespoir poisseux de s'infiltrer et s'installer.

Cosmicism est un album varié, un cauchemar mouvementé fait de folie, d'illusions, de menaces et de désespoir qui prend parfois des allures épiques (A Thousand Young). Le black metal de THE GREAT OLD ONES a beau être puissant et sauvage, le groupe s'affranchit des étiquettes pour s'essayer à de nouvelles choses (de là à parler de post-metal ou d'avant-garde ? Peut-être...). Le son est massif, écrasant, et le final sur Nyarlathotep est monumental, avec son rythme plus lent qui sied à merveille au "chaos rampant". 

THE GREAT OLD ONES a toujours su aborder intelligemment l'oeuvre de Lovecraft en laissant la puissance d'évocation des instruments faire son effet sur l'auditeur. Cosmicism ne déroge pas à la règle : on en sort secoué, étourdi par des abysses cosmiques d'une noirceur indicible que l'on préfère ignorer pour notre propre salut. Avec son oeuvre toujours plus imposante et poignante, THE GREAT OLD ONES est devenu un poids lourd de la scène metal française et, une fois encore, propose un album à la hauteur des attentes.