Chronique | The Devil's Trade - The Call of the Iron Peak

Pierre Sopor 18 août 2020

Dávid Makó, toujours seul aux commandes de THE DEVIL'S TRADE, est de retour avec un troisième album de son projet "doom folk", le premier sur le label Season of Mist. Le titre de l'EP Happy Music is Shit, sorti en 2018, décrit à merveille l'humeur générale, toujours de rigueur en 2020 : The Call of the Iron Peak ne sera pas festif.

L'Iron Peak en question, celui dont Makó nous parle dès le premier morceau de l'album, est un lieu mystique et silencieux, coupé du monde, où l'on vient trouver la paix au moment de mourir. Une sorte de paradis, en gros, et suivre son appel revient à faire la paix avec l'idée inévitable de sa propre fin. Cette paix et cette résignation se traduisent par une mélancolie de tous les instants. Le chant plaintif de Dávid Makó, chargé d'émotions, véhicule une intensité qui contraste avec le relatif minimaliste des instruments, essentiellement une guitare ou un banjo hanté dont l'impact est décuplé par des réverbérations d'outre-tombe.

Le voyage prend des airs d'initiation mystique, de sombres secrets échangés la nuit au coin du feu ou d'oraison funèbre (Dead Sister) alors que Makó invoque à la fois les folklore Hongrois, Transylvanien (Három Árva est une chanson folklorique dans laquelle trois orphelins maltraités par leur belle-mère essayent d'entrer en contact avec l'esprit leur mère décédée) ou même des Appalaches (ces airs d'americana sinistre, ça doit être le banjo). C'est souvent sublime et le chant de crooner écorché de l'artiste saisit aux tripes (dans No Arrival ou Expelling of the Crafty Ape, la puissance émotionnelle de ce désespoir rocailleux rappelle les plaintes possédées de Layne Staley dans un autre genre). On comprend mieux l'étiquette de "doom folk" : l'ADN metal se devine dans cette expressivité du chant. Amplifiée, la musique, déjà pesante, pencherait effectivement pour de bon vers les abysses tempétueuses du doom.

The Call of the Iron Peak finit par opérer comme un rituel magique alors qu'il nous coupe petit à petit du monde réel, de ses tumultes et son agitation pour nous plonger dans un univers contemplatif, étrangement apaisant malgré ses angoisses et sa tristesse dont on s'extirpe avec un sentiment doux-amer, mélange de deuil et de sérénité. C'était très beau.