Chronique | Tassi - Northland I • II

Pierre Sopor 29 juin 2021

TASSI, c'est le side-project solo de Dryad, frontman de BLISS-ILLUSION. C'est aussi le nom d'un troubadour, héros d'un recueil d'histoires écrites par l'artiste, qui traverse des dimensions, oniriques, folles et divines à la recherche de son amante Uni au cours d'un voyage initiatique. L’œuvre est conséquente, mais Northland I • II compile en fait deux albums sortis séparément en Chine de dix morceaux chacun.

Vu le background du musicien, on peut se douter que le contenu mêlera introspection mélancolique et élans plus tourmentés : chez TASSI, le black metal prend le devant sur les sonorités traditionnelles de BLISS-ILLUSION (Dalosahmum, A Brahma's Dream et ses guitares lumineuses en contraste du chant, possédé, Deva...), qui ne disparaissent pas pour autant. Amateurs de dépaysement, ne passez pas votre chemin : la culture bouddhiste est toujours là et les errances de TASSI ont, dès Kita no Kuni des allures de conte zen et psychédélique. Ce qui nous frappe, au-delà de l'habituel contraste entre la douceur de la scène shoegaze et les élans plus violents qui viennent secouer la plupart des morceaux, c'est la poésie de l'ensemble et la variété des émotions (rage, tristesse et joie avancent main dans la main et s'expriment parfois ensemble). La diversité des instruments mais surtout la multitude de sons naturels donnent vie à un univers organique propice à la contemplation, car dans les deux parties de Northland, le voyage est aussi intérieur.

Dryad chante dans un langage qu'il a créé, et laisse le temps aux morceaux d'affirmer leur prise sur l'auditeur (notons par exemple les belles montées en intensité de Nigdulmum ou de Tassi Naenia et ses nappes hallucinées), mélangeant des mélodies éthérées presque pop à ses hurlements d'écorchés, au rendu plus brute que dans BLISS-ILLUSION. Si la durée est une donnée essentielle au voyage (il faut le temps de se laisser emporter), elle joue peut-être aussi un poil en défaveur de l'ensemble : la traversée est longue, et l'ensemble, très dense, laisse entrevoir quelques répétitions dans la construction des morceaux. Il faut alors se rappeler que l'on a affaire à deux albums mis bout à bout et, peut-être, laisser un entracte aérer l'écoute malgré la cohérence de l'ensemble et la progression narrative proposée (la deuxième partie est plus sombre).

Northland I • II est un sacré morceau. Plutôt que de se laisser intimider par l'ampleur de l’œuvre et les tumultes qui nous attendent, mieux vaut se laisser errer au fil des morceaux et se laisser emporter par l'aventure, qui sait où ça nous emmènera ? Peu importe si l'on se perd en route, peu importe si l'on s'arrête pour reprendre notre souffle, l'important c'est le voyage.