Chronique | Suicide Inside - Songs to Kill

Pierre Sopor 22 novembre 2017

Natascha Twentyone et Alexey Prostarov ne s'arrêtent plus : après avoir sorti Human Rage, le dernier album de AMBASSADOR21 l'an dernier, le duo biélorusse revient cet automne avec son side-project SUICIDE INSIDE. Pour Songs to Kill, ils ont convié le duo français MACHINALIS TARANTULAE, dont le deuxième album Diptyque est sorti il y a deux mois, pour apporter leur touche si unique à l'album.

L'hybridation était déjà au coeur du travail de MACHINALIS TARANTULAE et franchit là un nouveau cap alors que l'alchimie avec la musique plus violente et dure de SUICIDE INSIDE fonctionne à merveille dès le début de Steal the Guilt. Dès ses premières secondes, on est plongée dans une ambiance hypnotique inattendue de la part de SUICIDE INSIDE qui nous avait habitués à un son plus agressif. La viole de gambe si typique de MACHINALIS TARANTULAE et son utilisation si peu conventionnelle (on a rarement été aussi loin des sonorités baroque qui évoquent la Renaissance habituellement associées à cet instrument) instaure une atmosphère de mystère à laquelle se greffe la voix de Natasha Twentyone. Cette dernière, reconnaissable elle aussi entre mille, apporte au morceau la menace, la sensation de danger et la folie que l'on attendait. Au bout de trois minutes, le titre s'emballe alors que tous les instruments se mettent en branle, des percussions et la voix de Justine Ribière s'ajoutant au mélange pour proposer une osmose parfaite des deux projets. Learn to Follow, avec ses sonorités qui rappellent NINE INCH NAILS du début des années 90 en intro, va crescendo en intensité. D'un début tout en retenue, on aboutit à une dernière partie plus emmenée, où des cris lointain sont étouffés par un beat soutenu, une viole de gambe débridée et quelques riffs de guitare pour lier le tout.

Le plaisir d'écouter quelque chose d'innovant, d'original et de riche est rare, et d'autant plus précieux. Les vétérans d'AMBASSADOR21 nous ont habitués depuis de nombreuses années à leur univers sombre, bruitiste, violent. Les voir s'associer au sein de leur projet parallèle à l'une des découvertes les plus fascinantes que la scène industrielle française ait proposée ces dernières années apporte un nouveau souffle à leur son, qui s'en retrouve bousculé hors de ses zones de confort habituelles pour le plus grand bien de tout le monde. Et si on commençait à entrevoir un schéma avec Lick the Sirens, qui propose à nouveau une alternance calme / tempête après une introduction très ambiante, Shake vient nous secouer (oh-oh-oh) dès son intro très rythmée par des percussions frénétiques et les paroles scandées par Natascha Twentyone, impressionnante. Au fur et à mesure que les différentes couches se mettent en place et se superposent, le morceau dégage une énergie et une rage viscérale avant de s'arrêter brusquement. Songs to Kill touche presque à sa fin, et ce mini album à la fois merveilleux et surprenant méritait une conclusion à la hauteur. C'est au sein d'un chaos industriel dur et violent que naissent les mots de Lord Byron qui achèveront finalement l'aventure, accompagnés seulement de la viole de gambe. Il reste néanmoins un remix de Red Flowers par SYNASCAPE, visiblement daté de 2009 et est, forcément, nettement moins nuancé que les autres titres de l'album.

Alchimie parfaite entre deux univers jusqu'à son artworkSongs to Kill a le triple mérite de marquer le retour de SUICIDE INSIDE, de confirmer tout le bien que l'on pensait de MACHINALIS TARANTULAE, mais surtout de nous proposer quelque chose qu'on n'a pas l'habitude d'entendre, à la fois organique et mécanique, viscéral, violent et hypnotique.