Chronique | Sieben - The Old Magic

Pierre Sopor 31 juillet 2016

On n'arrête plus Matt Howen, le génial violoniste fou derrière SIEBEN. The Old Magic est composé principalement des morceaux que l'on trouvait sur les EPs digitaux sortis au fur et à mesure depuis le sublime album Each Divine Spark. Toujours armé seulement de son violon et de sa pédale de boucle, Howden promet de nous embarquer avec lui en pleine Bretagne romaine, soit l'Angleterre, les Pays de Galles et l'Ecosse d'il y a deux mille ans.

Alors que résonnent les premières notes lancinantes de The Old Magic, et ses percussions en retrait (Howden tapotant son violon), le voyage temporel est immédiat. Petit à petit, alors que les différentes couches se mettent en place comme autant de calques qui se superposent, la chant clair et discret ainsi que la nature répétitive de la musique nous hypnotisent. Par son essence même, avec ses boucles sonores et son côté épuré, brut, SIEBEN est un projet qui a toujours porté en lui quelque chose de primal, de primitif, comme une incantation magique. Le folklore celtique gallois qui sert de toile de fond renforce le caractère mystique de l'album, alors que le druide Howden invoque la terre-mère sur Modron, un morceau dont on ne dira pas qu'il sonne comme un mantra pour ne pas trop mélanger les cultures ! Alors que Modron s'achève sur une note plus amère et mélancolique, Come Raven King s'ouvre de façon plus légère, plus lumineuse, plus minimaliste aussi. Mais la menace, sombre, dissimulée, pèse sur Hillfort Mindset et ses notes plus graves. Les effets sur la voix de Howden confèrent également une teinte plus sombre, à un morceau que l'on pourrait traduire maladroitement par "la mentalité de la place-forte", un titre qui fait étrangement écho à l'actualité alors que le Royaume-Uni vient de voter son départ de l'Union Européenne. On sait que Howden a souvent eu un regard acéré sur l'actualité, et invoquer les racines de sa culture anglo-saxonne aujourd'hui n'est probablement pas anodin. Mais ces considérations ne l'empêchent pas de gratter et tapoter sur son violon plus frénétiquement encore sur Ready For Rebellion avant de revenir à ses incantations chamaniques sur Black Moon Rise Again. Alors que la transe touche à sa fin, A Hart for St Hubertus met en place une atmosphère hantée, mystérieuse et inquiétante. Il se dégage quelque chose de presque funèbre de ses chants lointains et des plaintes du violon de ce morceau, faisant référence à la légende de St Hubert, convertit au christianisme alors qu'il allait chasser le cerf un vendredi saint. Plus sombre encore est l'ambiance de The Other Side of the River, morceau sur lequel, petit à petit, se crée une intensité rare.

SIEBEN nous a habitué à l'excellence et nous rappelle avec The Old Magic combien ce projet est précieux et fascinant. Dans cet album mystérieux, hypnotique, poétique et sombre, Matt Howden, comme possédé par sa musique, donne vie à une oeuvre primitive, faite de menaces et de magie. Et pour prolonger encore un peu la transe, un deuxième album intitulé The Other Side of the River accompagne la (très belle) version physique de The Old Magic. Ce deuxième disque, tout aussi passionnant, contient des remixes et de nouvelles versions d'anciens titres de SIEBEN, notamment une magnifique relecture de Loki. Car non content de nous offrir un album musicalement d'une grande beauté, Howden nous donne également un objet à chérir précieusement. On le remercie pour tout le soin et l'attention qu'il porte à son travail, et on espère avoir la chance de le revoir donner vie à cette magie sur scène !