Chronique | Sidilarsen - Que la Lumière Soit

Pierre Sopor 15 avril 2024

Sidilarsen est en pleine forme : avec son précédent album, On Va Tous Crever, le groupe toulousain avait non seulement fait preuve d'une vigueur artistique boostée par un nouveau souffle plus agressif mais a également connu une explosion de popularité conséquente. Après deux décennies, on peut toujours aller de l'avant et c'est dans ce contexte que sort Que la Lumère Soit, une sorte de suite stylistique de son prédécesseur : du metal furieux mais où l'électronique occupe une place capitale.

Le ton d'On Va Tous Crever était plus pessimiste que d'habitude. Avec les différents événements qui ont affligé notre monde entre temps, on aurait pu imaginer que Sidilarsen serait plus remonté que jamais. Si effectivement Que la Lumière Soit mord plus fort encore (les riffs d'Intox, Du Sang sur les Fleurs, le boulet de démolition V(e)mpire), on est également surpris par un certain apaisement. Fini les conneries, ce n'est pas en marchant jusque sur Mars que l'on va trouver des solutions : Sidi prend du recul et appelle au calme (Adelphité et ses cris de ralliement, On Revient sur Terre et l'impératif de tous souffler un grand coup), insufflant ici ou là espoir et mélancolie et nous invite à prendre conscience de nos propres travers, s'incluant dans cette humanité déchirée et maladroite plutôt que se plaçant en donneurs de leçon moralisateurs. Plus aéré que son prédécesseur, l'album respire, comme un résultat de cette hauteur prise par le groupe.

N'allez cependant pas imaginer que les Sidi sont devenus des maîtres zen. Si l'on devine une maturité de plus en plus flagrante dans un propos plus fédérateur, qui cherche l'unisson plutôt que mettre en avant nos divisions, le groupe tape très fort quand il le faut. La toxicité anonyme sur le net comparée à une secte, la pollution qui étouffe la Terre (Amour Océan et son étonnante pause au piano, très élégante) ou encore le culte de l'apparence et le désespoir des promesses vides des réseaux sociaux (Inanité) sont autant de raisons de balancer des punchlines bien senties au milieu de gros riffs carrés qui dépoussièrent l'influence de Rammstein avec une énergie juvénile (le "ferme ta gueule" d'Intox, épique, la hargne furieuse des Enfants de la Rage). Au-delà de paroles toujours mieux troussées et de cette complémentarité entre les voix des deux chanteurs Didou et Viber, c'est du côté des rythmiques que Sidilarsen a le plus évolué dernièrement, gagnant une complexité et une lourdeur jouissive (les arrivées de Sylvain Sarrobert à la basse en 2018 et de Marvyn Palmeri en 2022 y sont-elles pour quelque chose ?).

Car c'est finalement là le plus important : Que la Lumière Soit est un album d'une efficacité irrésistible qui chope l'auditeur par les entrailles, un truc qui donne envie de tout péter mais avec une générosité rafraîchissante. Comme une bonne suite, l'album pousse plus loin tous les potards de son prédécesseur. C'est à la fois plus bourrin et plus malin, plus varié, plus riche, plus nuancé. Sidilarsen joue souvent la carte ludique de l'auto-citation, preuve que leur univers est bien installé. Fait d'ouverture et d'hybridation aussi bien dans la forme musicale que dans son propos humaniste, de postures de gros durs au grand cœur, d'ironie et de sincérité, l'univers de Sidilarsen est non seulement toujours plus rassembleur mais le groupe fait également preuve d'une très belle forme. La preuve : après plus de vingt-cinq ans de carrière, résolument tourné vers l'avenir mais en phase avec l'héritage de son passé, le groupe vient de sortir son meilleur album.