Chronique | Monolyth - A Bitter End / A Brave New World

Pierre Sopor 21 septembre 2018

En plus de dix ans d'existence, MONOLYTH n'avait encore sorti qu'un seul album, en 2007. Certes, la biographie du groupe précise qu'il y a eu un EP et un petit break entre-temps, mais avec un deuxième bébé en route depuis deux ans et plusieurs concerts un peu partout, la bande a su se faire attendre. A Bitter End / A Brave New World arrive enfin, et le moins que l'on en attendait était qu'il confirme tout le bien qu'on peut penser de MONOLYTH après les avoir vus sur scène.

Il faut dire que le groupe est fort d'un réel capital sympathie. Communicatifs et souriants, les musiciens de MONOLYTH ont leur petite troupe d'afficionados et savent réveiller une salle et y mettre le feu. Le metal qu'ils proposent est particulièrement efficace, puissant, et, finalement, assez inclassable. Certes, le groupe se présente comme un héritier des mouvances scandinaves de death mélodique (coucou IN FLAMES, les Gamins à Bodom, la Sombre Tranquilité et compagnie), et pourtant...

YAAAAAAA TADADADADA DOUDOUDOUDOUDOU BIMBIMBIM !

Pardon, oui, c'est l'album qui commençait. Comme ça, sans prévenir. Ça surprend la première fois. Balancez-moi ça en voiture, ça réveille ceux qui font pas gaffe. C'est The Ego Disaster, et avant d'avoir fini d'en lire le titre, vous en aurez le refrain collé en tête. Désolé. MONOLYTH attaque fort. Et pourtant, derrière l'agressivité des riffs, derrière ces cris rauques qui empruntent au death autant qu'au hardcore, il y a un coeur qui bat. C'est peut-être dans les passages plus mélodiques ou dans ce chant finalement si humain, mais MONOLYTH transpire de vie d'emblée et dégage quelque-chose d'organique, un truc fédérateur auquel il est facile de se raccrocher. Derrière la puissance de l'assaut, et il s'agit bien d'un gros passage à tabac en ce début d'album avec le pachyderme frénétique qu'est This Pale Imitation of Guilt, il y a une âme. Pour mettre en avant cette étincelle de vie, il faut une section rythmique qui envoie et soutient le tout. Là aussi, c'est du très solide. Qu'il s'agisse de frapper comme un fou furieux (la fin de Insipid And Shallow) ou de groover grave (A Brave New World), le résultat est convaincant, viscéral, et encore une fois, l'énergie est communicative

Ce qui, de loin, à vue de nez de nuit et dans le brouillard, pouvait ressembler à énième groupe de thrash / death mélo tisse au fur et à mesure de l'album un univers musical personnel enrichi de nombreuses influences. On est en 2018, et les vieux schnocks qui, en 2001, trouvaient que le neo c'était sacrilège sont tous morts de toute façon : MONOLYTH a l'intelligence de puiser son inspiration dans assez de courants pour proposer un metal moderne, à la fois séduisant, accessible et pointu.  Il n'est pas rare d'être surpris à l'écoute des douze titres, tous accrocheurs. Comme par exemple quand le chant d'Amaury, véritable caméléon vocal, s'éclaircit de plus en plus au fur et à mesure du disque, notamment le temps d'A Bitter End où sa voix chaude laisse même passer quelques imperfections qui renforcent l'aspect "intime" du titre, ou l'hymne Like A Poison et ses refrains encore une fois imparable. A Bitter End, située au milieu de l'album, semble d'ailleurs marquer une véritable coupure, coupure thématique puisqu'après cette "fin" arrive le titre A Brave New World, promesse d'un renouveau, mais coupure aussi musicale. Les morceaux suivants sont en effet plus aérés, presque légers, le chant clair est plus présent, l'ambiance moins sombre. L'album semble s'orienter vers une conclusion plus lumineuse, comme si, après l'apocalypse qu'était la première partie, l'espoir était de nouveau permis. Cette renaissance, ce retour à la vie, en fait, c'est celui de MONOLYTH. On vous avait dit qu'il y avait encore un coeur qui battait derrière tout ça.

A Bitter End / A Brave New World est le fruit d'un long travail et d'une histoire compliquée. Come-back d'un groupe qui a dû se reconstruire au cours des dernières années, c'est aussi une oeuvre qui transpire le travail fait avec amour et attention. Ce qui aurait pu n'être qu'un "simple" album de melo death bien foutu s'avère rapidement bien plus passionnant, grâce à une richesse musicale et thématique qui se dévoile au fur et à mesure de l'écoute, donnant un sens à l'ensemble. On en apprécie la production, les compos qui se gravent dans nos tympans et les rythmiques qui donneront des torticolis en live, on en apprécie les quelques imperfections ici ou là qui ne le rendent que plus vivant, et surtout, on apprécie l'humanité et la sincerité qui transpirent de chaque morceau, chaque note, chaque mot.