Chronique | Messa - Close

Pierre Sopor 14 mars 2022

En seulement deux albums, les Italiens de MESSA se sont imposés comme un groupe atypique et fascinant, proposant un doom mystérieux et ésotérique aussi élégant qu'hypnotique étoffé par des influences jazz et des cuivres qui lui apportent une densité supplémentaire. Mais où aller après les admirables Belfry (2016) et Feast for Water paru en 2018 (chronique) ? Alors que de plus en plus d'oreilles se sont tournés vers MESSA, il était peut-être temps pour le quatuor d'explorer de nouveaux horizons à l'occasion de leur troisième album...

Close nous emmène de l'autre côté de la Méditerranée en s'inspirant notamment des cultures tunisiennes et algériennes. On y retrouve ce que l'on aime chez MESSA : des morceaux énigmatiques qui se découvrent sur la longueur comme on déterre de vieux secrets enfouis, portés par la voix chaude et puissante de Sara Bianchin et un cocktail d'influences variées redigérées, du prog des années 70 à la world music (imaginez DEAD CAN DANCE qui rencontre BLACK SABBATH, ça vous en donnera vaguement les contours). La nostalgie étant la sournoise émotion qu'elle est, les brumes froides et humides de la Venise hantée du précédent opus nous manquent un peu sous tout ce soleil, alors que, tout de même, on note que MESSA remise quelque peu au placard ses expérimentations plus atmosphériques. L'oud pique la place des cuivres, moins présents (il reste cependant l'errance mystique d'Orphalese et son intro aux airs de mirage halluciné). Pour le reste, MESSA n'a rien perdu de son sens du riff qui groove (Dark Horse), du relief vertigineux (Rubedo) et du rituel incantatoire qui vire à l'obsession (Pilgrim). La musique riche et inspirée de MESSA aurait pu avoir l'air fourre-tout aux compositions trop cérébrales et un peu poseuses. Encore une fois, force est de reconnaître que tout cela fonctionne de manière organique, avec un naturel qui impressionne. Pour la frime, les Italiens ont gardé le meilleur pour la fin avec Serving Him, qui, en huit minutes, nous plonge dans un univers opaque et occulte (on pense à CHELSEA WOLFE dans ses humeurs doom qui se la jouerait prog 70's) aussi passionnant que viscéralement cool.

En fait, c'est peut-être là le plus grand tour de force de MESSA : il y a bien sûr cette intelligence de composition, ce monde fascinant, les influences variées qui se tournent autour et se rencontrent sur des morceaux de presque dix minutes, la force des émotions qui semblent traverser un voile de brume pour nous atteindre... mais il y a aussi, et surtout, le plaisir simple et basique de l'écoute. On se laisse trimballer facilement grâce à des formules suffisamment accessibles pour nous prendre aux tripes immédiatement et, bien sûr, un chant unique. Certes Close n'a peut-être pas en lui autant de fantômes que son prédécesseur et délaisse légèrement les errances ambient, y perdant au passage un peu de relief, mais avec son parfum de mystères ancestraux et d'aventures oniriques, on reste sous le charme.