L'histoire de M.A.C. OF MAD n'est pas forcément la plus facile à suivre : apparu dans les années 90 comme une mutation du projet de musique industrielle Střední Evropa, M.A.C. OF MAD n'a pas sorti énormément d'albums, se concentrant surtout sur le live... Keep Music Evil est d'ailleurs leur premier album depuis 2006. Le line-up a changé depuis les débuts, le groupe est passé par des essais grindcore / death metal (dont on retrouvera quelques traces via les growls de Signal, d'ailleurs), mais les intentions, elles, sont finalement familières : un mélange digital hardcore / metal indus furieux et corrosif avec des riffs qui charcutent et des gros beats qui cognent. Le retour des Tchèques est une bonne nouvelle pour nous, moins pour nos voisins, et est d'ailleurs accompagné d'une autre bonne nouvelle : l'apparent retour aux affaires du label Audiotrauma, qui nous avait manqué !
On retrouve d'ailleurs bien cette esthétique sonore abrasive, chaotique et radicale dès Autodafe. Jana Von Habczak scande avec hargne, la guitare alourdit l'atmosphère de nuages gris foncés, ça a le goût de rouille et de métaux malsains. M.A.C. OF MAD suinte la folie et la révolte et gratte très fort pile là où ça nous démange, dans cette envie d'univers cyberpunk en ébullition, de sous-sols poisseux, de sons tapageurs aux influences punk hardcore et électroniques. On pense évidemment à Atari Teenage Riot, mais également à AMBASSADOR21, Chrysalide ou Youth Code. Il y a ce goût pour le bruit, la fureur, la dissonance et l'assaut sans pitié, mais aussi cette turbulence punk, ces émotions à vif qui donnent à la musique son relief et son âme.
Avec ses rythmiques impitoyables parfois à la limite du tribal, Keep Music Evil est une explosion permanente, un jaillissement viscéral de folie dont l'intensité ne faiblit jamais et dont chaque titre donne envie d'en brailler les slogans. M.A.C. OF MAD alterne entre les parpaings enflammés (Young & Beautiful) et les crises d'angoisse hallucinées frénétiques (Needle in the Head). Si les chuchotements de Nothing to Hide nous font frissonner, ce n'est pas uniquement pour la démence qu'ils dégagent mais parce qu'on sent bien qu'ils ne sont que la respiration avant la violence à venir. La façon dont le rythme s'affole et dont les textures se heurtent et se superposent évoquent le montage du Tetsuo de Shin'ya Tsukamoto, une expérimentation fiévreuse qui sue le metal et les câbles.
"Garder la musique maléfique" : M.A.C. OF MAD tient parole. Alors que Neurodiesel, dans une version affinée par rapport à celle déjà connue que le groupe jouait depuis plusieurs années, nous embarque une dernière fois dans cette folle tornade d'énergie de tous les instants, l'album ne laisse que des ruines. Il s'en dégage un parfum jouissif de danger, d'imprévisibilité, un truc sauvage qui jaillit et brûle. La déflagration n'a pas duré une demi-heure, mais la puissance de cette tempête cyberpunk survitaminée était aussi massive que cathartique.