Chronique | LLNN - Unmaker

Pierre Sopor 20 octobre 2021

Unmaker est le troisième album de LLNN. En un peu plus de cinq ans, le groupe Danois s'est taillé une réputation solide avec sa musique combinant lourdeur et étrangeté, que l'on serait tenté (par facilité) de ranger aux côtés de NEUROSIS, CULT OF LUNA, ISIS ou même AMENRA. Pourtant, LLNN a un truc bien particulier, une identité qui permet d'identifier leur son dès les premières secondes.

Parlons-en, tiens, des premières secondes d'Unmaker : Imperial démarre comme une bande-son menaçante de film de science-fiction avant de nous écraser de toute sa pesanteur. Et c'est là que se trouve le "truc" : LLNN utilise des éléments orchestraux et des synthétiseurs spatiaux pour créer un univers post-apocalyptique à la fois mystique, halluciné et viscéral. La fureur de Desecrator contraste ainsi avec le sentiment de terreur cosmique qui nous saisit. La batterie sonne comme une enclume martelée avec rage, rapprochant LLNN de ses influences industrielles plus que par le passé (Forger), alors que la haine et le néant envahissent chaque note, chaque mot hurlé par Christian Bonnsen.

Unmaker dégage une intensité fiévreuse et cauchemardesque. LLNN nous avait habitués à sa noirceur et continue de l'explorer dans un album peut-être plus atmosphérique que d'habitude. On y apprécie les pauses théâtrales de Scion, la mélodie d'Interloper tout d'abord menaçante puis conquérante, les paysages musicaux dévastés qui prennent vie lors des respirations de Division, le désespoir qui jaillit de Tethers et ses riffs à la progression dramatique marqué jusqu'à un final bruitiste de fin du monde ou cette conclusion ambiante mélancolique sur Resurrection. Cordes écrasantes, hurlements d'écorché et construction laissant à notre esprit l'espace pour visualiser des dimensions où nous sommes bien insignifiants et où, en effet, personne ne nous entendra crie : LLNN ne nous épargne rien.

De ce martellement impitoyable, entre la fureur des cris et la violence des instruments, jaillit finalement le sublime. Noir, glacial, monumental et terrifiant, LLNN donne vie à un univers cinématographique au pouvoir de suggestion certain grâce à des effets théâtraux soigneusement ménagés et surtout des plages atmosphériques inspirées. Unmaker est un concentré de négativité aux résonances à la fois spatiales et intimes, d'une lourdeur insoutenable et pourtant à la grâce aérienne.