Chronique | Die Form - Baroque Equinox

Tanz Mitth'Laibach 22 septembre 2017

Pour les amateurs de musiques mêlant électronique et industriel, un nouvel album de DIE FORM, c'est quelque chose qui fait à la fois peur et envie. Envie pour les rythmes imparables et la richesse des univers musicaux composés par Philippe Fichot, d'autant que le groupe a gardé intacte sa créativité en presque quarante ans de carrière ; peur, parce que la musique de DIE FORM est toujours sombre et dérangeante, à un degré tel que l'on se demande à quel point on ressortira traumatisé de l'album cette fois. Pourtant, lorsque le groupe fait son retour avec l'album Baroque Equinox cette année, le doute n'est pas permis : on se jette dessus, d'autant que la couverture met l'eau à la bouche !

À raison : le disque est à la hauteur de la légende de DIE FORM.

Psychic Poison, le morceau qui ouvre l'album, correspond à ce que l'on attendait, au point qu'on peut en être déçu. Rythme sournoisement dansant à la Masochist, sonorités électroniques légères, duo entre la voix filtrée de Philippe et le chant lyrique d'Éliane : le morceau semble s'inscrire dans la lignée de l'album précédent Rayon X (2014). Il est efficace, mais DIE FORM fait du DIE FORM, rien de plus. L'Origine du Monde a tôt fait de nous détromper ! Le morceau s'avère moins dansant, peuplé de sonorités industrielles qui vont et viennent comme mues par d'invisibles ficelles pour former une sorte d'effrayant puzzle musical tandis que la voix de Philippe murmure avec une fascination morbide ; on est bien loin de la légèreté et de la structure classique de Psychic Poison, et on se laisse facilement engloutir par cette atmosphère !

Baroque Equinox révèle ainsi son vrai visage : celui d'une electro-indus en décomposition, où les sons se combinent et se dissocient d'une façon déroutante au possible, donnant forme à une ambiance étrange et angoissante, et par-dessus tout, difforme. Les sons, quant à eux, oscillent entre bruits mécanique et sonorités électroniques souvent saturées, sans oublier quelques interventions bienvenues d'instruments classiques qui rappellent délicieusement l'album Duality. Dans cet univers insolite, outre L'Origine du Monde, on retiendra particulièrement Erotic Self-Sacrifice et son rythme décousu paraissant torturer le chant lyrique d'Éliane, Bis Repetita dont le murmure et le tintement vous hanteront longtemps après l'écoute, L'Œil du Silence glacialement figée, et surtout l'effroyable Equinoxia, où Éliane susurre ses paroles assassines sur un fond industriel crépusculaire... En revanche, Hypnophonia, qui suit L'Origine du Monde, reste un morceau trop plat, plus prévisible que le reste de l'album à l'instar de Psychic Poison, mais c'est sans grande importance.

Baroque Equinox ressemble à un monstre de Lovecraft, d'autant plus inquiétant qu'il est biscornu, baroque, indescriptible. Loin des structures habituelles des morceaux dansants, parfaitement antilinéaire, c'est l'album le plus expérimental de DIE FORM depuis longtemps, sans renouer pour autant avec les débuts bruitistes du groupe à l'époque de Die Puppe. On a connu d'autres exemples d'albums moins dansants depuis que DIE FORM a adopté son style flirtant avec l'EBM et la dark electro avec Corpus Delicti, en particulier le glauquissime ExHuman ou le spectral L'âme électrique, mais il s'agissait là d'albums qui restaient beaucoup plus "carrés", loin de la construction déconcertante des morceaux de ce nouvel album ! Si Baroque Equinox n'est peut-être pas aussi abouti que le chef d'œuvre ExHuman, ne serait-ce que parce qu'il est plus inégal, il n'en est pas moins l'un des albums les plus intéressants de DIE FORM.

À condition de ne pas exagérément tenir à sa santé mentale, on aurait tort de s'en priver.