Chronique | Moaan Exis - Transcendence

Pierre Sopor 21 septembre 2017

Comme pour brouiller les pistes, MOAAN EXIS avait sorti il y a quelques mois un morceau de vingt-cinq minutes, plus ambiant que ce à quoi Mathieu Caudron nous avait habitués avec son projet depuis sa création en 2015. Si vous avez écouté l'EP Invok ou vu MOAAN EXIS sur scène, alors vous avez une idée de la force de frappe de sa musique, mélange d'electro hardcore et d'indus particulièrement rythmé baignant dans des ambiances parfois quasi cinématographiques.

On a à peine le temps de noter le chouette artwork mystérieux et moins abstrait que ceux des précédentes sorties que Transcendence démarre très fort. En quelques secondes, From Earth est un condensé de toute la brutalité primitive de MOAAN EXIS. La batterie de Xavier Guionie (batteur live du projet, qui sévit aussi chez PUNISH YOURSELF) ouvre les hostilités en donnant à cette entrée en matière quelque chose de très direct, avant que les beats secs, carrés et massifs n'entament leur travail de destruction. Mathieu Caudron est un furieux : manifestement, il aime quand c'est fort et que ça cogne, et ce premier album reproduit très bien le traumatisme sonore que peut être MOAAN EXIS en live. Progressivement, la superposition de sonorités et de boucles répétitives crée un effet hypnotique, conférant à la musique un aspect mystique dès Tension et son synthé très Quatrième Dimension qui vient apporter de l'air à l'atmosphère étouffante du titre. Les machines, éléments futuristes par excellence, créent souvent ce paradoxe : la musique de MOAAN EXIS dégage quelque chose de profondément primitif, tenant presque du rituel tribal.

C'est après la frénétique Breathe que la composante mystique devient explicite et prédominante, dès le radicale virage ambiant de Mirror et son atmosphère lugubre. Et bien que le rythme s'affole sur Daylight, l'ambiance reste aussi hantée avec ses échos voix fantomatiques qui semblent se perdre dans cet univers industriel fait de furie et de désolation. Il est à nouveau question de voix sur Connection, et cette fois de manière bien plus frontale puisqu'il s'agit de la seule piste de l'album en contenant vraiment. Réalisé en collaboration avec VERIN, autre projet du label Audiotrauma, ce titre est l'un des pics de tension de l'album. Les couches et textures musicales s'ajoutent et se superposent et leur alchimie a quelque chose de psychique dépassant la simple somme de sons perçus, explicitant par là le titre de l'album. Et même si le morceau titre, Transcendence, renvoie aux côtés les plus percutants de MOAAN EXIS, l'état de transe se prolonge avec Bardo et ses six minutes et demi qui viennent conclure l'album dans la mélancolie et confirment les tendances plus atmosphériques du projet.

Transcendence a beau ne pas être particulièrement long, c'est un disque dense et bien rempli. On connaissait l'efficacité de MOAAN EXIS quand il faut cogner, et ce premier album est loin de décevoir de ce côté là. Pourtant, ce qu'on en retient le plus est ce côté presque chamanique, fascinant et primal qui provient certes des beats répétitifs mais aussi des nappes atmosphériques qui apportent une vraie profondeur tout le long de l'album, donnant à la musique une composante à la fois physique et psychique, un corps et une âme.