Chronique | CULTCHILD - Sunstealer

Pierre Sopor 22 avril 2024

CULTCHILD est un enfant né du désespoir en 2019, nous dit la biographie officielle de ce projet witch-house qui, comme le genre l’exige, n'en révèle que très peu. L'artiste basé à Phoenix Franklin Howard a commencé à créer de la musique pour accompagner des streams de jeux vidéos avant de rapidement devenir obsédé par les basses oppressantes et l'électronique sinistre. Son nouvel album, Sunstealer, qu'il sort en totale indépendance, arrive seulement quelques mois après D A R K F O R E S T.

Chez CULTCHILD, on apprécie d'emblée l'efficacité. Il y a l'efficacité rythmique, à l'image de la très EBM Outrunning the Wolves en guise d'entrée en matière, mais surtout ce savoir-faire pour mettre en place des atmosphères lugubres à grands coups de samples torturés et de basses étouffantes (Melding Plague). Angoisse, menace, aliénation (ce gimmick musical répété jusqu'à la folie dans Yellowstone), mélancolie (les nappes funèbres du morceau-titre et leur humeur post-apocalyptique sont du plus bel effet) : CULTCHILD passe par plusieurs émotions négatives, plusieurs variations autour de la noirceur.

Là où certains privilégient les mélodies, l'approche du producteur est plus rythmique et percussive, plus physique. Il en résulte une lourdeur parfois écrasante (F.U.G.M.R.E.M.I.X.I, avec des basses poids lourd et ses ombres de trap à la pesanteur quasi doom) ou, au contraire, une panique psychédélique (le rythme affolé de la très IDM / breakcore Illusions/ILLUSIONS). Cela donne à l'album une épaisseur palpable, une touche industrielle impitoyable (In Pain//In Stasis, qui avec ses sons stridents vient mettre à l'épreuve les nerfs de l'auditeur) dont les élans bruitistes et le sound-design donnent à Sunstealer toute sa saveur impie.

Alors que l'électronique est de plus en plus envahie par les IA, on ne peut qu'apprécier cette proposition dont l'âme torturée s'exprime dans les hurlements noise des machines, jusqu'à un artwork à la peinture si organique. Les cauchemars de CULTCHILD ont ce côté palpable, cette noirceur agressive qui lui permettent de se démarquer par sa théâtralité et son intensité. Si vous cherchiez à mal dormir et à suffoquer dans les ténèbres, vous êtes servi.