Chronique | Cradle Of Filth - The Seductiveness of Decay

Demona Lauren 24 septembre 2017

S’il y a bien un groupe qui nourrit la controverse, c’est bien CRADLE OF FILTH. Adoré, méprisé, il y a de tout parmi les aficionados de metal. Mais une chose est sûre, nul n’ignore leur existence. Au sommet de la pyramide, Dani Filth n’a jamais cessé de faire couler la plume. Mais qu’en est-il encore musicalement ? Ces dernières années, il serait mentir de dire que le groupe a joui d’une popularité que l’on le lui connaît. Les derniers albums ont, pour certains, été des échecs cuisants. Même le public averti de CRADLE OF FILTH a eu du mal à suivre. Finalement, la nostalgie des heures glorieuses de COF s’est progressivement mêlée à des attentes artistiques de plus en plus revues à la baisse. Seductiveness of Decay aura-t-il la force de faire renaître le groupe ? Contre toute attente, cet album démontre, en tout cas, un sacré potentiel.

On s’en souvient. Lorsque Hammer of the Witches est sorti en 2015, nombreux sont ceux qui ont lancé la première pierre sur CRADLE OF FILTH, pas forcément à tort. Bien sûr, comme pour toutes œuvres artistiques, les avis demeurent partagés sur cet album mais le public avait été comme traumatisé par une plus récente perte de repère du groupe, un essoufflement, un effondrement du style habituel. Il faut dire qu’il y a du changement depuis, déjà du point de vue de la lineup. Le guitariste de longue date, Paul Allender, fait alors place à de nouvelles recrues avec l’entrée en scène de Richard Shaw et Marek "Ashok" Šmerda. Les bases vocales de Lindsay Schoolcraft apparaissent également pour la première fois. L’album se devait bel et bien de marquer un tournant. Et bien, d’une certaine manière, il semblerait que Seductiveness of Decay marque tout autant un tournant dans la renaissance de COF.

Oui, il est vrai que le nouvel album revient enfin à ses meilleures bases, celle d’un mélange très appréciable d’un son goth classique et de sonorités plus modernes. Pourtant, le groupe brise le voile de l’habitude avec l’introduction de l’album. Toute personne adepte de CRADLE OF FILTH sait qu’une introduction sur clavier ouvre généralement le bal de chaque album, suivie d’un titre à tendance rapide et effréné. Pas cette fois-ci. Le titre Exquisite Torments Await ne commence pas sur les chapeaux de roue bien au contraire. Le titre, bien ficelé, est à l’inverse un dévoilement de chœurs, d’ensemble vocal grave délivré par Dani Filth. Deux minutes auront suffi au titre pour laisser place à la chanson suivante. Heartbreak and Seance s’avère être typiquement cradleofIlthien. Un titre typique pour le groupe. Le tout en mêlant quelques sons plus metal/metalcore. Enorme mention sur ce titre à la performance sur batterie de Martin « Marthus » Skaroupka. L’album s’enchaîne sur Achingly Beautiful, un titre introduit par une coloration orientale avant d’entièrement s’orienter vers un rythme plus qu’effréné. Probablement l’un des meilleurs titres de l’album, "AB" ne se contente pas de calquer des bases vocales gothiques sur des riffs de guitare. Si bon nombre des dernières productions de COF manquaient de logique, de rythme distincts, "AB" démontre toute la force retrouvée du groupe : le titre s’articulant autour d’un enchaînement sonore et mélodique solide et logique. Le passage assez cryptique mettant en scène des choeurs est d’ailleurs très appréciable et rapproche toujours un peu plus cet album des racines mêmes du groupe et du genre original. Un petit plus qui ne se refuse pas. "Wester Vespertine", qui constitue le 4ème titre de l’album, est un morceau plus proche du hard rock que du pur goth extrême metal, mais qui s’écoute malgré tout. "The Seductiveness of Decay", titre éponyme de cet opus, reste tout aussi teinté de ce rythme très hard rock mais plus pragmatique quant aux influences. Oui, ces deux titres démontrent sans doute bien trop de similarités dynamiques, de riffs développés de la même manière. Étrangement, et en dépit de son nom qui labelle l’album, nous ne dirions donc pas que le moceau contstitue la meilleure pièce de l’opus. "Vengeful Spirit" est d’ailleurs un bien meilleur titre, certes sans grande idée novatrice mais un morceau qui s’apprécie bien davantage. "You Will Know the Lion by his Claw" ne démontre pas forcément un rythme différent si ce n’est qu’il délivre une teneur plus gothique, plus sombre, plus creepy. "Death and the Maiden" arrive à temps, juste avant que l’on trouve la suite de l’album trop monotone, pour nous éveiller les papilles. On aurait d’ailleurs bien apprécié les débuts de l’instrumental en OST d’une œuvre cinématographique. Un dommage qu’ils ne l’aient pas pu exploiter. "The Night at Catafalque Manor" est un bon titre mais peut-être trop classique pour le groupe. Pour un novice de COF, il peut paraître accrocheur. Pour un fin connoisseur, il sonne légèrement comme du déjà-vu. On lui appréciera davantage "Alison Hell" qui termine l’opus.

Les points faibles de cet album sont probablement une tendance à la monotonie de certains titres. Il faut dire que pour certains, c’est déjà une caractéristique de la musique du groupe dans son ensemble. Cela ne dérogerait ainsi pas à la règle. Oui, il y a cependant de bonnes choses sur cet opus. Une richesse indéniable en terme de riffs, probablement uns des meilleurs de la longue carrière du combo. Un rythme de percussion doublé d’une dextérité au clavier qui rappellent certains grands noms du hard rock. Et, si après Midian – album sorti en 2000 – le groupe semblait s’être perdu dans son style, Seductiveness of Decay ramène tout le monde au berceau même de la musique cradleoffilthienne. Oui, comme Dani Filth l’avait reconnu lui-même lors d’une de ses récentes interviews, cet album se trouve bien à mi-chemin entre Hammer et Cruelty. Et CRADLE OF FILTH is back avec un mélange de nouveau maîtrisé de brutal, romantique victorien, black metal et goth harsh à l’instar de tout ce que l’on a connu de mieux à leurs heures glorieuses.