Chronique | Agent Side Grinder - Alkimia

Cécile Hautefeuille 25 mars 2015

Les critiques ne parlent plus que de cela : le nouvel album de AGENT SIDE GRINDER. Plus seulement les médias du web underground, mais chez nos amis mainstream, le nom du groupe suédois résonne enfin dans les rédactions. On se réjouit volontiers de ce succès mérité, mais Alkimia est-il à la hauteur de l’engouement dont il est l’objet ? Oui et non. On comprend aisément l’enthousiasme qu’il suscite de la part de ceux qui découvrent le groupe avec cet album. Ils n’ont certainement jamais vu passer Hardware (2012), véritable chef d’oeuvre difficile à égaler. Pour ceux qui attendaient Alkimia comme le Graal, l’album débute maladroitement. Certes, comme le dit justement Kristoffer Grip, Alkimia représente tout ce que AGENT SIDE GRINDER est. Mais Into the Wild, qui ouvre l’album, sans être indigne, n’apporte rien à la discographie du groupe. On y reconnaît la pâte du quintet : riffs de basse lourds et répétitifs, boucle de synthé à la fois ultra-retro et ultra-moderne, voix d’outre-tombe avec effet de reverb à la JOY DIVISION ; tout y est. Mais ce titre aurait pu apparaître sur n’importe lequel des albums du groupe sans que l’on s’en aperçoive. NEW DANCE glisse dans le post-punk encore plus sombre et répétitif. La voix qui traîne et l’articulation approximative de Kristoffer Grip commence à ressembler à de la paresse. A ce stade, Alkimia semble difficile d’accès. Pourtant, le groupe avait annoncé un album aux couleurs plus pop, à l’instar du single This is Us. C’est avec Giants Fall que la claque arrive. Oh oui, c’est pop. Oh oui, AGENT SIDE GRINDER va ratisser plus large et s’offrir un public qui n’a pas fréquenté les soirées batcaves et n’a peut-être même jamais entendu parler de NEW ORDER. Faut-il pour autant douter de la sincérité de la démarche ? Avec Giants Fall, AGENT SIDE GRINDER prend une toute autre teinte, insoupçonnée, plus mélancolique et moins agressive, agrémentée d’une lueur d’espoir. Voilà le souffle nouveau qui manquait pour différencier, dépasser Hardware. Peu surprenant que le titre ait été choisi comme deuxième single. Mais point trop n’en faut et Void bascule à nouveau du côté obscur de la force. Les accords de synthé dissonants nourrissent la personnalité bipolaire du groupe et cela leur va à ravir. Faut-il s’arrêter sur For the Young ? Outre l’arrangement sonore inédit et époustouflant, sa fraîcheur lui vient bien évidemment de son featuring. Une petite voix fluette vient tout chambouler dans l’univers grave de AGENT SIDE GRINDER. Il s’agit de Nicole Sabouné, chanteuse suédoise, participante de The Voice Suède, mais avant tout amie intime du groupe. Elle apporte son côté pop et sa vitalité à deux titres de l’album : For the Young et Last Rites, qui clôt l’album. On regrette presque qu’elle ne soit là que pour deux duos, car elle trouverait parfaitement sa place au sein du groupe. Les deux morceaux susnommés relèvent du génie, excusez le manque d’objectivité. Il devient obsessionnel de les écouter en boucle jusqu’à plus soif. Hexagon est autrement plus dispensable. Sombre, sympathique, mais dispensable. This is Us, entre electro-pop et new-wave kitsch, nous ravit. Car oui, masochistes que nous sommes, qu’est-ce que nous aimons ça la new-wave kitsch et ses ritournelles électroniques dépassées. Last Rites a le bon goût d’apparaître en fin d’album, avec sa délicieuse partie instrumentale, hypnotique, qui rappelle les grands n’importe quoi des DOORS dans The End avec cette touche un peu folk de BUFFALO SPRINGFIELD façon electro, tout en restant dans la lignée des meilleurs actes goths qu’il ait été donné d’écouter. Une perle. Alors certes, le côté borderline de AGENT SIDE GRINDER sur cet opus, qui ne parvient pas à choisir entre les racines post-punk macabres et sa nouvelle envolée pop, rend Alkimia un peu inégal. Mais oui, courez vous procurer cet album dont vous ne pourrez bientôt plus vous passer.