Sidilarsen + Les Tambours du Bronx + MADAM @ L'Olympia - Paris (75) - 11 octobre 2025

Live Report | Sidilarsen + Les Tambours du Bronx + MADAM @ L'Olympia - Paris (75) - 11 octobre 2025

Pierre Sopor 15 octobre 2025

Après presque trente ans de carrière, Sidilarsen fait son Olympia, point d'orgue de la tournée défendant le très bon Que la Lumière Soit sorti l'an dernier (chronique). Il va falloir qu'on le répète quelques fois pour vraiment y croire : Sidilarsen à l'Olympia, eux qu'on voyait dans des petites salles il y a vingt ans, dans des petites salles il y a dix ans, et qui se sont mis à avoir une poussée de croissance aussi méritée que rapide... mais qui continuent de faire des petites salles, parfois ! C'est une drôle d'histoire, on sent que ça doit compter pour eux : la date a été annoncée il y a un moment. Pour l'occasion, Sidilarsen s'est bien entouré. Un truc pareil, ça se vit en famille : MADAM et Les Tambours du Bronx, qui ont déjà partagé l'affiche avec les Sidi, sont de la partie. Punaise, c'est classe l'Olympia ! Et même si ce n'est pas totalement complet, c'est déjà bien rempli pour MADAM.

MADAM

Puisque l'on parle de poussée de croissance, tiens, vous connaissez MADAM ? Il va falloir vous y mettre, avant que vous ne soyez la seule personne un peu ringarde qui n'en a jamais entendu parler. La scène de l'Olympia paraît immense au début pour les trois Toulousaines, qui jouent regroupées en son centre, proche les unes des autres comme pour mettre en avant leur solidarité, leur cohésion...

... A moins que ça ne soit pour mieux se sourire et grimacer entre elles ! Très vite, peu importe le vaste espace, les regards sont fixés sur ce qui se passe au milieu. Broken City, avec sa tension presque punk qui ne demande qu'à tout exploser, les émotions à vif de Mad qui se libèrent en une danse frénétique, le groove de La Meute et son atmosphère embrumée... MADAM file à toute allure, elles n'ont qu'une vingtaine de minutes alors chaque seconde compte. Elles jettent leur énergie et leurs tripes dans chaque instant et leurs visages expriment aussi bien leur envie d'en découdre que le plaisir de jouer. Au point de compenser un problème de son qui saborde une partie des morceaux pendant un bon bout du set.

Il y a ce sens de l'accroche très blues / rock mais aussi cette envie de laisser jaillir ce qu'on a sur le cœur, ce mélange de mélancolie et de colère aux accents grunge qui donne à la musique de MADAM ses aspérités. Les morceaux durent trois minutes mais semblent en perpétuelle explosion, une ébullition créative spontanée qui malgré le set très court, réussit à surprendre plusieurs fois (le cabaret punk de The Niki Song, entêtant, l'hymne apocalyptique et libérateur Dance joué en fin de set).

Mais ce que l'on préfère chez MADAM, c'est leur énergie, ce qu'elles dégagent. Elles semblent rebondir sur la scène de l'Olympia. Les trois sont à l'image de leur musique, toujours en mouvement, mélange de sourires complices et de moues rageuses possédées, sans artifices. On sent l'humour, on sent la pulsion de création, la joie de jouer, tout simplement, mais aussi l'envie de gueuler. C'est spontané, rafraichissant, ça passe en un éclair. Pas le temps pour le rituel un peu bidon du rappel, il faut enchaîner, alors on enchaîne. La prochaine fois, on aura plus de temps, la prochaine fois y'aura pas de pépin technique... et si leur nom brille de nouveau en rouge sur la façade de l'Olympia, on ne sera pas plus surpris que ça.

Cliquez sur une photo pour la voir en haute définition

LES TAMBOURS DU BRONX

Le changement de tableau est radicale. Les trois jeunes madames de MADAM laissent la place à une quinzaine de bonshommes, dont certains qui ont le double de leur age. Les Tambours du Bronx en formation metal, c'est une douzaine de bidons surplombés par Franky Costanza à la batterie. Au chant, ce soir Renato Di Falco est accompagné de Vincent Portal. Il faut bien deux types pour se faire entendre dans tout ce barouf'. Comme d'habitude, du côté des cogneurs, il y a du turn over et les Tambours du Bronx reste ce monstre hybride inter-générationnel. Cela dit, on sent bien que si y'en a un qui tape à côté, l'indéboulonnable Thierry saura lui remettre les idées en place !

Le Début de la Fin, les percussions nous martèlent les tympans. Si l'électronique prenait plus de place avec l'album Evilution (chronique), on est ravis d'en profiter un peu plus en live... même si ce bougre d'Arco Trauma (Sonic Area), est toujours trop discret à notre goût : un tel maître sait y faire pour sublimer le chaos avec la subtilité de ses atmosphères ! C'est quand ses nappes synthétiques spectrales se heurtent au fracas du metal que l'on est le plus heureux... mais aussi, finalement, quand le ton monte. On se prend la récente We Need Godz au coin de la figure, le temps d'apprécier le jeu de scène tout en lourdeur théâtrale de Vincent Portal. Les Tambours du Bronx reviennent ensuite des années en arrière, à ce qui a fait germer l'idée de cette configuration metal, et nous balancent un medley de reprises de Sepultura (Refuse / Resist, Bloody Roots et Territory, avec les beuglements des deux chanteurs qui se répondent, ça rigole pas !).

Petit à petit, Les Tambours du Bronx se sont trouvés et solidifiés dans leur configuration actuelle. Un chanteur stable, un nouvel album enregistré avec le line-up actuel, moins de reprises (y'a pas vraiment le temps ce soir) : l'identité se trouve, le show est solide, entre la performance des percussions et une vision du metal industriel à prendre au pied de la lettre, avec ces bidons comme colonne vertébrale visuelle et sonore : on est loin d'une expérience éphémère et un peu... bidon. Dominique Gaudeaux lâche sa guitare et vient cogner à son tour le temps de l'instrumentale Extreme, à la chorégraphie presque cérémonielle. Mais une cérémonie qui sent l'essence et la tôle. 

Les Tambours du Bronx, depuis le temps qu'on les croise, forcément, ont leur lot de fidèles. Il faut s'accrocher pour rester debout dans la fosse, ils jouent avec nos nerfs à retenir un wall of death qui ne demande qu'à partir sur Am I Dead Enough : l'attraction principale n'a pas encore commencé qu'on joue déjà notre vie ! Comme d'habitude, ça a castagné, ça sentait la sueur et le metal et, alors que le projet approche des quarante ans d'existence, son format mouvant si particulier nous donne l'impression de pouvoir traverser les époques indéfiniment. On espère, dans une quarantaine d'années, pouvoir vous reparler des Tambours du Bronx version 2065, qui sait, y'aura peut-être quelques dinosaures sur scène !

Cliquez sur une photo pour la voir en haute définition

SIDILARSEN

Sidilarsen à l'Olympia ! Voilà un twist que l'on n'aurait pu imaginer il y a encore dix ans : en 2018, Sidi jouait encore au Bus Palladium à Paris, lieu culte mais avec dix fois moins de place. On ne va pas vous cacher qu'il y a une vingtaine d'années, avec les copains, on se moquait un peu de Sidilarsen, gentiment. On les voyait beaucoup, surtout en première partie de Punish Yourself. Ils avaient un truc indéniable, mais le premier degré absolu des textes en français un brin maladroits nous faisait ricaner... comme quoi, rien n'était mieux avant, ni Sidilarsen ni nous, bande de jeunes cons qui se marraient en écoutant Émotion Numérique et Biotop et ses histoires de se désimatriculer sur sa fréquence ondulatoire, typique des délires cyber de l'époque.

Et puis, palier par palier, Sidilarsen a grandi, affiné sa musique sans ne jamais lâcher son univers bien particulier. Une Nuit Pour Sept Jours, Machine Rouge, Chatterbox : au tournant des années 2010, c'était déjà du solide. Il y a eu le Hellfest, les SidFest, le concert des 20 ans... mais c'est avec On Va Tous Crever en 2019 que Sidilarsen a enfin explosé le plafond de verre qui les retenait. C'est donc avec une vraie émotion qu'on va les voir à l'Olympia. Sidilarsen à l'Olympia. Y'a eu quelques coups de fils à passer aux vieux copains ! "Tu crois qu'ils vont jouer La Fibre ?". La Fibre, c'était quelque chose : on n'a jamais trop su ce que c'était cette fibre, mais un souvenir ému d'un soir d'octobre 2007 ressurgit. Vauréal. Le chanteur David, alors chauve, lance "il fait chaud ce soir... il y a beaucoup de chaleur humaine... vous avez senti LA FIBRE ?". L'expression est restée. "T'as senti la Fibre ?", qu'on se demandait à l'époque, sans trop savoir ce qu'on racontait, mais on se le demandait avec une grosse voix pleine de conviction de métalleux.

Tout ça, tout ce qu'on ne va pas raconter ici, ça revient à l'esprit quand la lumière de l'Olympia s'éteint et que retentit Smack my Bitch Up de Prodigy, nous rappelant l'époque où Sidi jouait d'ailleurs sa version de Breathe. Ils arrivent, calmement, tous ensemble et prennent le temps d'un câlin collectif pendant que monte l'intro de Comme on Vibre. Un dernier instant d'introspection à savourer avant le show. Et puis, d'un coup, c'est parti, Sidi envoie et assume à fond son mélange electro-metal pour notre plus grand plaisir, leur truc à eux qu'on a appelé dance metal ou boum-boum metal par le passé. Le groupe est monté sur ressorts, le public est monté sur ressorts, le sol si particulier de l'Olympia rebondit comme pour mieux propulser ceux qui ont oublié leurs ressorts. Le logo derrière a beau être stylisé, on reconnaît bien l'ouvre-bouteille. Certains appellent ça un "Charles de Gaulle", à cause des bras levés. Ceux qui ont grandi avec Sidi appellent ça un Sidilarsen.

L'enchaînement du début tabasse. La récente Intox et ses punchlines anti-populisme facile, avec ce "ferme ta gueule" braillé par l'Olympia qui claque dans la nuit et qu'on dédie à tous les blaireau qui monopolisent la parole constamment sur nos écrans, puis Retourner la France et déjà, en trois titres, un sacré voyage dans le temps. C'est marrant parce qu'à une époque, on était un peu emmerdés par la forme de naïveté qui se dégageait des engagements de Sidilarsen, plus en raison de la forme que du fond humaniste, cette façon de placer les mots, ce goût pour les formules un peu faciles. Aujourd'hui, leur côté enragé a laissé place à une quête d'unité. Sur Adelphité, les loupiotes des smartphones illuminent la salle, David rend hommage aux victimes de violence, d'oppression, de discriminations. Sidilarsen, c'est devenu ce groupe de grands frères, des vieux sages presque, en quête d'unité plus que de division, avec son appel au calme. Fini les histoires de marcher jusque sur mars, en 2025 "on revient sur Terre".

On peut aussi arrêter de cogiter et juste faire la fiesta. Les "petits nouveaux" (qui n'en sont plus vraiment) bougent comme des possédés, entre le bassiste Sylvain Sarrobert (arrivé en 2018) qui ne tient pas en place et le batteur Marvyn Palmeri (là depuis 2022) dont le sourire pourrait avaler la batterie et qui cogne comme un fou furieux. Sidi est généreux, communique, remercie. Grâce à cette setlist qui parcourt presque trente ans d'histoire, on apprécie les petits clins d’œil d'un titre à l'autre : Le Meilleur est à Venir semble annoncer, quelques minutes plus tard, On Va Tous Crever qui semble en être la réponse ironique... mais accompagnée d'une sympathique introduction : "On est d'accord, on va tous crever ?". Le public acclame "ouaiiiiiiiis !". "Ça c'est de l'enthousiasme !". Alors hop, on on y va, on va crever tous ensemble, youpie, youpla-boum, et avec plaisir ! 

Sur Back to Basics, les grands frères invitent Gabbie de MADAM à chanter pendant que David et Sylvain font des allers-retours en sprint sur l'immense scène de l'Olympia. Ça a besoin de place pour galoper, ces bêtes-là. Dans le public aussi, ça galope sacrément. C'est parti pour un wall of death, mais "faites gaffe à vous, faites ça avec bienveillance". Ils sont touchants les Sidi, avec leur humilité de ceux à qui le succès arrive tard mais qu'ils méritent tellement, avec leurs regards tendres d'anciens jeunes loups qui se sont assagis mais chez qui la flamme de la folie brule encore, bien vivante. A un moment, David confessait être aphone il y a encore trois jours. On imagine le petit coup de stress, parce qu'à voir les lumières magnifiques, on sent qu'ils ont sacrément bossé cette date. Normal, c'est leur Olympia, c'est pas tous les jours.

La fin du concert approche. David prend le micro. "Sidilarsen a commencé il y a 28 ans... pour le prochain morceau, notre guitariste d'origine Sabash va nous rejoindre. C'est un morceau qu'on a joué la semaine dernière mais qu'on n'avait pas joué depuis trrrès longtemps". Oh putain, David, tu serais pas en train de nous annoncer La Fibre, là ? "Ah mince, pardon, y'a encore la Morale, pardon, j'ai oublié une chanson. C'est l'Olympia, fallait bien que je fasse une bourde". Et là, Sidi nous laisse dans un suspense insoutenable et joue La Morale de la Fable, qui ne date pas non plus d'hier. Ouais, mais bon, avant de réaliser qu'il avait mal lu la setlist, il allait nous annoncer La Fibre. C'est sûr. Nos tripes ne se trompent pas. Puis, voilà, tout en sobriété "le prochain morceau... c'est La Fibre". La FIIIIIIBRE, ouais !  Le groupe invite les premiers rangs à monter sur scène, c'est le gros bordel, c'est super sympa, on sent bien la fibre, là ! Oublié le début de calvitie, oublié la vue qui baisse, oublié le dos qui chouine quand il faut se pencher, c'est de nouveau l'époque des forums, de MySpace, des clips de toutes les couleurs sur MTV et des alcools dégueulasses qu'on mélange n'importe comment ! Pour le coup, impossible de ne pas faire une petite vidéo à envoyer aux copains, ceux qui sont devenus vieux et chiants et sont probablement déjà couchés, qui ricaneront un peu pour ne pas perdre la face, mais auront tort.

Il ne reste alors plus qu'à conclure. Les Tambours du Bronx se pointent pour Des Milliards, qui se termine a capella avec le public qui connaît le texte par cœur. L'unité, toujours, et profiter de ce moment unique tous ensemble, le partager. Sidilarsen a marqué le coup pour leur Olympia avec un show énorme, une setlist qui rend hommage à trois décennies de musique, ils ont fait profiter les copains en les faisant monter sur scène. La générosité et l'envie de faire plaisir ont toujours fait partie de leur histoire, rappelez-vous quand ils reprenaient Ghostbusters pour faire marrer l'assemblée... alors aujourd'hui, après presque trente ans, quand on voit tout ce que Sidilarsen donne à son public, quand on voit la passion et l'authenticité qui les anime, alors on ne ricane plus. Fini le cynisme des adolescents pas finis. La moindre des choses, c'est de leur rendre une partie de tout ça : ça a mis le temps, mais aujourd'hui Sidilarsen est un grand groupe de la scène metal française. Alors oui, les années 2000 ont toqué à la porte de la nostalgie (on va se réécouter Biotop et le revoir finalement à la hausse, c'est certain) mais la sincérité et l'efficacité de Sidilarsen est aujourd'hui indéniable. Alors que notre monde se durcit et que chacun se enferme dans ses petites haines mesquines, leurs messages n'ont jamais été aussi pertinents et nécessaires. Ils ont gravi l'Olympe, laissons-les profiter un peu de la vue avant de revenir sur Terre. Nous, on va sortir un Sidilarsen du tiroir et s'ouvrir une bonne bouteille pour boire un coup à leur santé. On prend les paris : le meilleur est encore à venir !

Cliquez sur une photo pour la voir en haute définition

à propos de l'auteur
Author Avatar

Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe