Sacred Skin + Faits d'Hiver + Morwan @ Glazart - Paris (75) - 20 novembre 2025

Live Report | Sacred Skin + Faits d'Hiver + Morwan @ Glazart - Paris (75) - 20 novembre 2025

Pierre Sopor 24 novembre 2025

Cruelle soirée pour les amateurs de ténèbres mélancoliques : du côté de Glazart, Sanit Mils nous prévoyait une affiche avec Sacred Skin, Morwan et Dancing Plague pendant qu'au Supersonic Records, JE T'AIME et Une Vraie Gothique jouaient dans un registre similaire... Puis, pour des raisons de santé, Dancing Plague annulait sa venue et était remplacé par Faits d'Hiver. Cette année, nous avions déjà eu l'occasion de voir les deux groupes qui jouaient vers Bastille alors ce soir, c'était direction Porte de la Villette pour être triste dans les ténèbres de Glazart.

FAITS D'HIVER

En voilà, un nom inspiré et de saison ! Alors qu'à l'extérieur, les larmes commencent à geler directement dans les yeux, l'intérieur de Glazart est surchauffé. Faits d'Hiver a pour mission de s'assurer que le sang dans nos veines reste suffisamment frais. Il n'y a pas foule. Est-ce la faute de la concurrence, ou juste de cette date un jeudi soir de fin novembre ? Au printemps dernier, Faits d'Hiver sortait Le Mensonge Règne, son premier EP, via l'incontournable label Icy Cold Records. Ce soir, il n'est plus question de printemps. 

Faits d'Hiver refroidit l'ambiance. Synthés glacés, rythmiques agressives au minimalisme synthpunk, paroles scandées en français avec rage... Malgré les lumières rouges du Glazart, Faits d'Hiver ne fait effectivement pas dans le chaleureux. La mélancolie 80's se mélange à une colère contemporaine (Les Gens), quelques élans embrasés comme sur Le Mensonge Règne, quand d'un geste rageur il fait hurler toutes les touches de son clavier. On sent cependant une tension chez l'artiste qui va au-delà de la musique : quelques problèmes techniques le forcent à recommencer deux morceaux. On a envie de l'encourager, de lui dire que ça ne fait rien, que ça arrive, mais on sent qu'au-delà de l'intensité de la musique, il y a aussi un réel agacement de sa part qui se greffe à la nervosité de ses créations. Se produire seul sur scène peut être difficile dans ce genre de moments, face à une audience éparse et peu familière qui n'est pas, non plus, forcément la présence la plus encourageante pour désamorcer la situation... On espérait une ambiance glacée, on a été servis ! Allez, la prochaine fois ça se passera de façon plus fluide et on pourra faire la gueule pour les bonnes raisons !

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MORWAN

Morwan sortait très récemment un excellent deuxième album, Vse po kolu, znovu (chronique), sur lequel le projet de l'Ukrainien Alex Ashtaui présentait un visage plus lourd, plus agressif, plus incantatoire. Morwan est désormais un duo, y compris en studio, et Ashtaui est donc accompagné du bassiste Stefan Shtuchenko. Ensemble, ils nous offrent un set incarné, leur vision du post-punk qui sent bon les sous-sols et les blocs de béton.

Si une vraie batterie aurait ajouté de l'impact aux titres sur scène, on peut cependant mieux apprécier les mélodies alors que les deux musiciens font vibrer leurs cordes. Les influences orientales de la musique de Morwan sont plus flagrantes. Et puis soudainement, ça explose : les slogans hypnotiques de Без обличчя ou la hargne des riffs de Мої дні, des influences noise rock et metal qui ajoutent leur touche de chaos, de lourdeur.

Morwan, ça envoie. Dans l'expression "post-punk", ici, l'accent est mis sur "punk", avec une énergie viscérale, une noirceur faite d'angoisse, de désespoir, de rancœur, de révolte, mais où l'on devine tout de même quelques échappatoires, discrètes rêveries dont les contours se dessinent au détour d'une mélodie. Après plusieurs dates en France l'an dernier, la belle histoire entre Morwan et notre pays continue : beaucoup de gens étaient là pour eux ce soir. On ne devrait pas tarder à les revoir et c'est tant mieux !

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SACRED SKIN

"Paris, so sexy !" lance Brian le chanteur, sous le regard amusé de son binôme Brian, derrière son synthé. Vous êtes mignons les gars, mais n'en faites pas trop non plus : pour des Californiens, se retrouver Porte de la Villette un jeudi soir de novembre, ça ne devait pas vraiment être la carte postale rêvée ! Ça doit leur changer du Supersonic, où ils jouaient gratuitement en février dernier... 

Mais en effet, ils sont mignons, les gars. Sacred Skin est généreux, avec un jeu de scène théâtral, des sourires, des échanges. Ils se donnent malgré un public clairsemé : bizarrement, une partie de la foule a déserté les lieux en cours de soirée. Trop tard pour un soir de semaine ? Des fans de Dancing Plague déçus de l'annulation ? Mystère. On profite donc sans eux de la nostalgie douce-amère que dégage Sacred Skin. La batterie ajoute plus d'impact à la musique au point peut-être, dans les conditions techniques de Glazart, d'étouffer un brin la nostalgie mélancolique de leurs compositions. Sur scène, Sacred Skin est plus rock, à la fois au niveau du son que de l'attitude.

Brian tombe les lunettes noires pendant que Brian, lui, tombe la veste. On est entre nous, c'est intimiste. Dans la pénombre rouge et perdu dans la brume provoquée par la machine à fumée, les quelques silhouettes présentes se trémoussent gentiment. On aurait peut-être aimé voir plus de monde mais cela donne à la scène une touche onirique. Loin de la froideur des groupes qui jouaient plus tôt dans la soirée, les synthés de Sacred Skin expriment un tourbillon de sentiments avec des nuances élégantes et poétiques. Finalement, cette humeur douce-amère accompagne très bien cette soirée : l'affiche méritait mieux qu'une salle loin d'être remplie, mais Sacred Skin a joué avec enthousiasme pour les gens présents. S'ils installent sur scène une proximité et une complicité qui les rend immédiatement sympathique, ils avaient au préalable suivi les autres concerts depuis la salle. C'est ça, la passion, et on a été ravis de pouvoir partager ce moment un peu irréel en leur compagnie.

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe