Antimatter @ Supersonic Records - Paris (75) - 19 octobre 2025

Live Report | Antimatter @ Supersonic Records - Paris (75) - 19 octobre 2025

Pierre Sopor 20 octobre 2025

Antimatter était de retour à Paris, ENFIN : comment un projet pareil, pourtant culte, peut-il être aussi rare chez nous ? On n'avait pas vu Mick Moss sur scène depuis un passage au Klub en 2014... et avant ça, hormis quelques concerts confidentiels et acoustiques dans un pub du cinquième arrondissement, nada. On comprend alors que l'artiste ait du mal à traverser la Manche. Il donnait pourtant son dernier concert de 2025 au Supersonic Records, avec groupe au complet et amplis branchés. Impossible de manquer l'événement, d'autant plus que la pluie imposait à la capitale l'humeur de rigueur pour écouter Antimatter.

Avant ça, Tina Rilli accueillait le public venu s'entasser dans l'ancien disquaire reconverti en salle de concert. L'artiste alterne entre des titres solos folk / ambient intimistes et d'autres où, accompagnée de son groupe, le son se densifie. Sage, l'audience écoute respectueusement cette courte entrée en matière qui ne dure que le temps de faire rentrer tout le monde. On s'agglutine, on se marche sur les pieds, on se dit "oops pardon", chacun se cherche un coin de 20cm carré où passer les heures suivantes le moins inconfortablement possible. Les musiciens d'Antimatter traversent autant que possible la foule. Il paraît que certains explorateurs atteignent le bar, dont on entend vaguement parler par les récits des voyageurs les plus intrépides. Tout cela semble si loin, si irréel, et nécessiterait de braver les dangers d'une foule bien trop compacte : trop d'orteils nous séparent du bar, nous n'avons donc aucune certitude au sujet de son existence et on vous incite alors à prendre ces récits avec des pincettes : peut-être qu'il ne s'agit que de racontars pour effrayer les marmots.

Cette année, Antimatter fêtait les vingt-cinq ans de son premier album. Il n'était pas pour autant question d'une tournée uniquement consacrée à Saviour : ces dernières années, on sent Mick Moss un brin nostalgique. En effet, ses deux derniers albums Parallel Matter et A Profusion of Thoughts regroupent des versions alternatives d'anciens morceaux ou des inédits restés dans des tiroirs au fil des deux décennies (et demi) passées... mais aucun de leurs titres n'est joué sur scène ! La setlist suit néanmoins un chemin similaire, une exploration de l'histoire et de la discographie du projet qui commence avec la tension contenue d'Existential, où le son du violon de David Hall et la voix de Mick Moss arrêtent toutes les conversations. On se tait, on écoute et on embarque dans cet univers si particulier, fait d'influences trip-hop, doom, progressives... ou même du metal gothique en moins lourd et saturé (la formation originale d'Antimatter incluait Duncan Patterson, un ex-Anathema dont le travail des années 2000 peut se rapprocher de celui d'Antimatter). On sent à l'age moyen du public que la nostalgie ne se trouve pas que chez le chanteur...

Quelque soit les époques, que les titres soient plus feutrés ou frontaux, Antimatter ne se sépare jamais ni de sa mélancolie ni de son élégance. La première partie du concert est surtout consacrée aux dix dernières années, avec des titres plus denses : Killer, Can of Worms... quand retentissent Saviour et Angelic, les parties autrefois chantées par Michelle Richfield et Hayley Windsor sont désormais évidemment assurées par Moss. Le voyage dans le temps continue avec The Freak Show et Landlocked, dont l'ambiance introspective et automnale nous plongent en une grisaille si confortable, malgré les spots rouges du Supersonic. En chemin, on a aussi droit à la reprise de Black Sun de Dead Can Dance, très classe.

Malgré la pesanteur de la musique, on sent que Moss a envie de communiquer mais le groupe enchaîne, à l'exception d'un "la santé" lâché en français au moment de se descendre une gorgée de bière. Un peu avant la fin du concert, il s'explique : le couvre-feu est très strict, donc il ne faut pas traîner. On papotera plus tard, pas le temps de quitter la scène pour le rituel du rappel (et vu la densité de la foule, c'est un coup à ne jamais pouvoir revenir). Après un final intense où Leaving Eden se retrouve entre les plus rentre-dedans Monochrome et Paranova, on pourrait imaginer quitter la salle là-dessus, hantés par cette humeur torturée. C'est sans compter sur les remerciements chaleureux du groupe et l'humour de Moss qui présente ses collègues : on apprend donc que leur batteur Fab Regmann a aussi la difficile tâche "d'être beau" et que le bassiste / colosse Paul Holligan leur sert de coach... il nous lâche quelques "fuck", s'excuse auprès des enfants (t'inquiète Mick, y'avait surtout des gens nés pendant la Guerre Froide), on sourit de cet instant de complicité.

Surtout, une promesse ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd : après cette soirée sold-out, Antimatter promet de revenir bientôt en France, puisqu'apparemment il semblerait qu'il y ait finalement un public ! Mais ce n'est pas tout ! Moss annonce qu'il va être papy et sa descendance est à moitié française... il va donc devoir apprendre le français. Y'en a un dans le public qui sera ravi, lui qui, après que Moss ait dit qu'il s'agissait de la dernière date, demandait au batteur "vous jouez où toumoweau ? toumoweau, vous jouez où ?" (ce à quoi le pauvre Regmann n'a su répondre que "cash, no credit card", l'air inquiet mais poli)... Puis, ce drôle de bonhomme se dirige vers le chanteur pour le remercier tout en l'engueulant pour son pull trempé de sueur !"Hey sènk iou, sènk iou mais pourquoi tu gardes ça, tu vas être malade, hein, sènk iou, mais you malade". La prochaine fois, Moss, qui lui répond d'un grand sourire, comprendra peut-être quelque chose... Alors avec tout ça, on espère bien le revoir avant dix ans !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe