Post in Paris 2023 - Jour 2 - Petit Bain & La Dame de Canton @ Paris (75) (28 mai 2023)

Post in Paris 2023 - Jour 2 - Petit Bain & La Dame de Canton @ Paris (75) (28 mai 2023)

Pierre Sopor 2 juin 2023 Pierre Sopor & Maxine

Après une première journée placée sous le signe de la bienveillance et des rêveries nostalgiques du post-rock aux influences cinématographiques, la suite du Post in Paris s'annonçait plus mouvementée. Retour donc sur les quais de la Seine à faire le yoyo entre Petit Bain et La Dame de Canton (dont il faudra pousser les murs d'ici l'an prochain, c'était souvent irrespirable) pour profiter de la conclusion de cette cinquième édition.

Le changement d'humeur est palpable dès le milieu d'après-midi. Le public n'est pas le même, les tee-shirts se sont assombris pour mieux coller à Death Engine et son post-hardcore teinté d'influences industrielles flagrantes sur son récent Ocean, auquel est consacré le set. C'est sombre, lourd, froid et, forcément, on s'y retrouve bien, surtout que techniquement les conditions sont bien meilleures à Petit Bain qu'au Cirque Électrique, où nous les avions vus il y a quelques mois (report). On peut enfin apprécier toutes les subtilités du dernier album, on ne rigole pas et le groupe reste mutique, entièrement dédié à sa catharsis glaciale. Death Engine est venu nous couler et repartir, point. Dès 17h, c'était la grosse claque. Heureusement pour nous, il restait quand même quelques trésors à dénicher, comme cette performance d'un autre monde de Bank Myna, dans une Dame de Canton surchauffée par le soleil qui tape encore fort sur ses baies vitrées. Faute de place sur scène, un des musiciens joue parmi le public. Une horloge trône au milieu, comme pour insister sur le rapport particulier entre la musique du groupe et le temps : il faut se laisser prendre, patienter, laisser les morceaux nous hypnotiser sur la durée avec une boucle répétée, un son qui s'épaissit au fur et à mesure, gagne en mélancolie et en mystère grâce au violon, gagne en lourdeur aussi. L'approche est atypique et fascinante, un brin ésotérique et c'était surtout très beau, sans aucun doute la parenthèse onirique et atmosphérique de la journée dont on se souviendra le plus, dans cette chaleur étouffante qui lui donnait des airs de mirage.

Hasard facétieux de la programmation : il est désormais l'heure d'enchaîner les sets de SaaR et de Maudits, alors que les deux groupes avaient sorti un EP ensemble l'an dernier. Les premiers, SaaR, noient Petit Bain dans la fumée et la pénombre pour mieux nous plonger dans leur univers. Si l'on retrouve les touches post-rock exigées par le genre, avec leurs envolées mélodiques et leur pouvoir de suggestion, on y apprécie aussi la lourdeur des riffs, ce côté plus metal, organique et terreux, cette pesanteur qui vient s'abattre sur la clarté des morceaux. Du côté de Maudits, devant une Dame de Canton encore pleine à craquer, moins de fumée, moins de lourdeur aussi malgré quelques passages plus rugueux. On y cultive en revanche un goût pour l'étrangeté et l'inattendu qui viennent se faufiler, flirtant avec l'ambient et proposant un post-rock parfois plus inquiétant et mystérieux que solaire et nostalgique. Tant mieux !

Le retour à Petit Bain nous maintient d'ailleurs encore un peu dans l'ambiance : les brumes de SaaR n'ont pas totalement fini de se dissiper quand Yarotz arrive sur scène. Avant même la sortie (récente) de son premier album, le groupe de hardcore intriguait : programmé au Hellfest sans n'avoir rien sorti et parrainé par le guitariste Christian Andreu (Gojira) le temps d'un single, Yarotz a justifié tout l'intérêt qu'on lui portait avec Erinyes sorti en mars dernier. On peut facilement leur décerner la palme de l'ambiance la plus folle, Yarotz offre au Post in Paris ses premiers pogos, ça envoie, on se laisse prendre par le charisme des musiciens qui transmettent leur énergie au public avec chaleur. Maintenant qu'on est bien en jambes, on peut d'ailleurs enchaîner : si d'Arhios on apprécie tout particulièrement les passages mélancoliques au sein d'un rock instrumental autrement plus lumineux, on est embarqués par l'énergie déployée. Entre les mimiques impayables du batteur, l'immense sourire d'un guitariste monté sur ressort et la tenue du bassiste, le set a tout d'une séance de sport et on accepte de baisser notre garde pour mieux se prendre au jeu d'une musique pourtant a priori beaucoup trop positive pour nos cœurs flétris !

Cette cinquième édition du Post in Paris s'achevait sur la performance très attendue du groupe de post-hardcore Birds in Row, qui se retirait récemment de l'affiche du Hellfest, expliquant être mal à l'aise au sujet des accusations de harcèlement moral et sexuel contre le festival, ainsi que son absence de position claire envers les groupes d'extrême droite. Un engagement qui se manifeste également pendant le concert, quand le chanteur Bart Balboa, alias B, rend hommage à l'espoir qu'il voit tout de même dans les luttes actuelles. Côté show, Birds in Row est fidèle à la discrétion de ses musiciens et leur tendance à effacer l'individualité : sur scène, ça se manifeste par des ténèbres, des strob et beaucoup de fumée, comme pour leur offrir un abri derrière lequel se cacher. La musique jongle subtilement entre délicatesse et violence, c'est intense et notre attention est captée par ces cris écorchés, ce goût pour les directions inattendues, les chemins tortueux. De quoi clore en beauté un festival qui a non seulement mis en avant les artistes français mais aussi (et c'est le plus important) les approches singulières, qu'il s'agisse de rêveries mélancoliques ou de secousses plus intenses. Avec son cadre particulièrement agréable pour les festivaliers qui souhaitent souffler entre deux concerts (difficile, pour un festival urbain, de faire mieux que les quais du quartier de la Bibliothèque François Mitterand), on souhaite au Post in Paris un avenir radieux.

DEATH ENGINE

BANK MYNA

SAAR

MAUDITS

YAROTZ

ARHIOS

BIRDS IN ROW