Dead Tracks Team Festival - J1 @ Paris (26 août 2021)

Dead Tracks Team Festival - J1 @ Paris (26 août 2021)

Pierre Sopor 30 août 2021 Pierre Sopor

Imaginez un peu : après un virus ayant provoqué une ruée au papier toilette, le monde d'avant s'est effondré. Ce n'est pas forcément la fin du monde dont fantasmait l'Atomic Cat, bar post-apo parisien qui fêtait avec le Dead Tracks Team Festival son ouverture, mais on a l'apocalypse que l'on mérite. Après des mois de sevrage, la promesse d'un sous-sol sentant bon la bière et la sueur faisait saliver. Surtout que le festival organisé par la Dead Tracks Team propose une affiche généreuse et variée pour un tout petit prix : de l'indus, du punk, de l'EBM, etc...

Tout a beau ne pas être terminé à l'Atomic Cat, on sent déjà le potentiel de la déco : murs de briques rouges derrière le bar, plomberie cuivrée apparente, éclairage au néon et Xénomorph piégé dans les murs, l'atmosphère SF cradingue est réussie et la machine à fumée carbure dès l'ouverture des portes. Le festival commence tôt, c'est qu'il faut pouvoir caser cinq concerts entrecoupés de DJ set. On attaque donc avec KLOAHK, le très prometteur projet de rock industriel du multi-instrumentiste Paul Prevel dont on vous disait encore récemment le plus grand bien. Sur scène, il est accompagné du batteur Olivier Hurtu (SHAÂRGHOT) et se présente à nous dans son personnage de fantôme anachronique piégé sur bande magnétique : l'effet fonctionne puisqu'il nous apparaît en noir et blanc au milieu d'un environnement plus coloré. Musicalement aussi, ça marche : on retrouve à la fois la mélancolie, la poésie et la puissance du projet grâce à un son de guitare viscéral et un chant irréprochable de justesse aux émotions communicatives. Ce n'était que le deuxième concert de KLOAHK, mais l'artiste a l'habitude de la scène, ayant joué dans d'autres groupes par le passé. Ce nouveau rôle de chanteur lui va très bien, pourvu qu'il le garde.

Malgré l'heure, il y a déjà beaucoup de monde pour le groupe de punk / oï RÉCIDIVE, dont le look très propre contraste avec la rage de la musique. Heureusement qu'il y a aussi du monde qui reste à l'extérieur, sinon on serait tous morts. La foule est particulièrement dense pour le jeune groupe parisien, qui, jouant à domicile, a sûrement ramené son petit cortège de fidèles. Impossible d'approcher la scène, l'ambiance monte d'un cran alors qu'une horde de punks s'empare des lieux. Des crêtes, des habits abimés, bigre, fichtre, putain, mazette : les punks, ça fait peur, ça fait du bruit, c'est pas sage, ça fout de la bière partout. Et forcément, ça finit par exploser. Le set de TRACE, dont le mélange de punk et de noise tout en réverb et pédales d'effet propose une suite plus sombre et anxiogène à RÉCIDIVE, permet deux choses. La première, ce sont des pogos ininterrompus devant la scène. La seconde, c'est d'apprendre qu'il ne faut pas laisser Stéphane Eicher faire la vaisselle car il est Suisse-Allemand. Ceux qui ont compris quitteront donc TRACE avec une satisfaction rare, celle d'avoir à la fois perdu quelques litres de transpiration et gagné quelques bleus mais en plus, d'avoir le sentiment d'être super malin. C'est rare après un concert.

Avec PLOMB, formation de post-punk dans la plus pure tradition mancunienne (on pense à FRUSTRATION, qui n'a d'ailleurs rien à voir avec Manchester), l'air se charge de la tension, l'urgence et l'angoisse typique du genre. On apprécie la touche apportée par les synthés (où l'on retrouve Klischee de KATZKAB), la mélancolie des mélodies, mais aussi les mimiques théâtrales hyper expressives du chanteur, droit comme un piquet mais grimaçant comme Nina Hagen et pas le dernier pour prendre un bain de foule où quelques esprits s'échauffent, intelligemment calmés par le guitariste du groupe venu distribuer des bisous dans la fosse.

La techno industrielle aux accents tribaux de MOAAN EXIS en fin de soirée, c'était sûr que ça allait marcher. L'énergie de Mathieu Caudron, qui dégage les retours de la scène pour gagner de la place et finit par cogner ses percus de ses poings à force de péter des baguettes, et la frappe inhumaine de Xavier Guionie à la batterie sont irrésistibles. Avec son show lumière tout en strob, ténèbres et rayons rouge et ses passages plus atmosphériques quasi mystiques, notamment en début de show, MOAAN EXIS soigne son univers et l'immersion. Si on cherche à moins intellectualiser le truc, ça fait surtout boum boum très fort et c'est très bien.

En mélangeant le même soir indus et punk, la Dead Tracks Team a attiré un public vaste, peut-être même trop : il aurait fallu pousser les murs, mais ils avaient l'air solides. Cette première journée était un succès : orga nickel, aucun retard, sous-sol qui a de la gueule, groupes bien reçus par un public sûrement ravi de retrouver des artistes sur scène. Pour des raisons indépendantes de l'insu de notre plein gré, nous ne serons hélas pas présents aux jours suivants qui proposent aussi de bien belles choses (LEROY SE MEURT, CYCLIKWEETOS, etc), et adressons toutes nos confusions distinguées, mais souhaitons surtout à la Dead Tracks Team et à l'Atomic Cat un joli succès et que cette première édition en amène d'autres !

KLOAHK

RÉCIDIVE

TRACE

PLOMB

MOAAN EXIS