Chronique | Youth Code - Yours, With Malice

Pierre Sopor 17 mai 2025

Depuis la sortie de Commitment to Complications il y a bientôt dix ans, Youth Code se fait à la fois étrangement discret tout en transformant sa moindre apparition une déflagration mémorable. En studio, tout d'abord : le duo composé de Sara Taylor et Ryan George n'a sorti qu'un album depuis, en collaboration avec King Yosef en 2021 et s'incrustait chez HEALTH le temps d'un single en 2020, des sorties aussi rares que tapageuses. En live, ensuite : le duo Californien a fait bouillir les scènes en première partie de Skinny Puppy et Frontline Assembly, de Carpenter Brut pour la France... et a été choisi par Trent Reznor himself pour réveiller le Hellfest en début d'après-midi en 2022. On les voit peu, mais à chaque fois, c'est énorme. Voilà qui explique notre excitation à l'arrivée de Yours, With Malice : Youth Code est ENFIN de retour, certes avec "seulement" un EP, mais il était temps ! Ce qui fait une très longue introduction pour dire : ça va poutrer grave et on va encore péter des trucs.

Poutrer et péter des trucs : No Consequence attaque fort. Youth Code n'a rien perdu de sa verve et sa signature récente sur le label Sumerian Records, pourtant plutôt metal, ne trahit finalement qu'une envie d'expérimenter plutôt qu'un réel changement de direction. On est pourtant parfois à deux doigts d'imaginer Sara Taylor growler... et avant la moitié du morceau, une sorte de grosse double-pédale synthétique enfonce le clou : le premier truc que Youth Code saccage, ce sont les codes. Le duo s'est emparé de l'EBM pour y ajouter une grosse dose d'angoisse, de colère, fracassant les rythmiques binaires et l'atmosphère glacée en une tornade impitoyable à l'énergie punk / hardcore. Hymne au vitriol, Wishing Well confirme alors que Taylor scande ses slogans fédérateurs : ouais, ça poutre.

Les machines chargent, mordent, et, dans un collage de sons et de ruptures de rythme frénétiques, évoquent la folie cyberpunk du Tetsuo de Shinya Tsukamoto, entre textures métalliques et expérimentations formelles. Le chant insuffle comme d'habitude à Youth Code son âme à vif, donnant à leurs thématiques sociales et revendicatrices une rage irrésistible, un ton revanchard viscéral et profondément jouissif malgré leur noirceur et, hélas, leur pertinence toujours très actuelle. On apprécie néanmoins aussi les nuances qui font toute la richesse du projet, comme cette mélancolie plus contemplative qui s'incruste sur In Search of Tomorrow, introspection angoissée qui semble répondre au slogan "no future" des punks ou la lourdeur de Make Sense et ce chant plus clair : Youth Code associe abattement et révolte avec l'énergie du désespoir et fait contraster sa mélodie avec des blast beats. La subtilité et la poésie tout en filant des coups de pied à des trucs.

Et alors que l'on se dit que sans cette rage brulante I'm Sorry aurait presque pu virer synthpop, Yours, With Malice s'arrête. La déflagration a été de courte durée, intense, sauvage et si satisfaisante. L'essence de Youth Code est bien là avec en filigrane toujours ce goût pour la nuance, la surprise discrète, les influences diverses qui s'incrustent ici ou là. Ce qui fait beaucoup de mots pour dire que ça poutre, et pendant qu'on met tous ces mots compliqués, Youth Code, eux, collent des parpaings dans les dents. Les retrouvailles font du bien (sauf aux voisins), et croisons les doigts (les nôtres ou ceux des voisins qu'on a pété quand ils sont venus râler) pour que la récente signature sur un nouveau label implique de futures nouvelles choses !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe