Chronique | Slave to Sin - Dead Inside

Pierre Sopor 27 janvier 2023

C'est en 2020 que la lyonnaise Laura Crutch, également active dans le duo electro-pop NORRON, décide de donner vie à SLAVE TO SIN, son one-woman band de rock industriel. L'artiste revendique les influences de NINE INCH NAILS et GARY NUMAN, des incontournables du genre, mais aussi de CHELSEA WOLFE : il n'en fallait pas moins pour attirer notre curiosité et nous plonger dans Dead Inside, un premier album paru dans les derniers jours de 2022.

Avec de telles références, l'atmosphère du morceau-titre ne nous surprend pas : Dead Inside sera sombre, sous l'emprise de machines rugissantes et aliénantes. La voix se fait distante, masquée par un brouillard de réverbération, frappée par une forme d'abattement désespéré et d'une froideur menaçante d'où jaillissent parfois des explosions de rage (l'autorité glaciale de Cold as Hell contraste avec la rancœur qui déborde de Doomsday Lover ou la mélancolie de Storm in my Heart). SLAVE TO SIN varie les influences et laisse régulièrement les synthés prendre le dessus sur les guitares, penchant franchement vers l'electro dark (Slave to God, conclusion sinistre très réussie, aux samples religieux anxiogènes et au synthé inquiétant), mais ce qui nous surprend et nous séduit peut-être le plus sur ce premier album est à chercher du côté des mélodies. S'éloignant parfois de l'aspect purement déshumanisé des musiques industrielles, Laura Crutch assume pleinement quelques élans mélodiques qui viennent s'exprimer au détour d'une ligne de chant, d'une guitare (Love the Wrong Way et ses étonnants penchants blues / rock), d'un clavier (Embrace et sa ritournelle hypnotique qui se met en place). Les morceaux y gagnent une étincelle supplémentaire de vie, une flamme séduisante qui embrase ponctuellement les atmosphères blafardes gothiques, voire une certaine théâtralité quasi cinématographique (Cold as Hell). Les émotions s'y retrouvent exprimées avec conviction : la rage, la mélancolie, la déception, l'angoisse... finalement, parmi toutes ses machines, au milieu de cet univers synthétique, c'est encore l'humanité de SLAVE TO SIN qui s'extirpe.

Séduisant mélange d'indus, de synthpop et de darkwave, SLAVE TO SIN propose avec Dead Inside un album idéal pour se trémousser sous une pluie glaciale par un fin d'après-midi terne et sans joie. La froideur blasée, la réverbération d'outre-tombe et les guitares mordantes n'empêchent pas certaines mélodies d'éclore pour enrichir ce sombre ensemble en le teintant d'une poésie certaine que l'on apprécie tout particulièrement.