Chronique | Punish Yourself - DEATH GLAM X X I I I

Pierre Sopor 24 février 2023

PUNISH YOURSELF qui sort un EP ? Ce n'est pas banal. Un peu comme ce clip pour le morceau Jug, une anomalie dans une carrière qui s'étend sur trois décennies et ne déborde ni d'EP, ni de clips. Death Glam X X I I I sort le 23 février 2023 à 23h23, on vous laisse décider s'il s'agit d'un palindrome boiteux, d'un anagramme ou d'une incantation mystique et si ce retour des chiffres Romains qui servaient à nommer pour d'obscures raisons les transitions de Gore Baby Gore signifie quoi que ce soit. Trois titres inédits, deux remixes, deux morceaux live : on a de quoi faire, tant mieux : Spin the Pig a bientôt six ans et il était temps de s'y remettre !

Le chiffre 23, allez savoir : sinistre mauvais présage, inclination de l'axe de la Terre, nombre de coups de couteaux reçus par Jules César avant de mourir (d'où les chiffres Romains, hé !), une passion soudaine pour la Creuse ou un clin d'oeil à l'obession des Spiral Tribes, à l'origine des free parties en Europe ? Sûrement un peu de tout ça : PUNISH YOURSELF aime empiler les couches et les références, de Tom Waits à MINISTRY, de FOETUS à MÖTÖRHEAD, adore associer les machins, coller les trucs, à l'image de cet artwork signé Singe Savant où se mélangent symboles religieux et pop-culture, de Metropolis à Richard Corben.

Pourtant, d'empilement, il est peut-être un peu moins question de côté des Toulousains ces derniers temps. Spin the Pig était plus rentre-dedans et dépouillé et, de l'aveu du chanteur vx69 lui-même, ils essayent actuellement de sonner en studio comme ils sonneraient en live. Point de mille-feuilles de samples ni d'exotisme donc dans ce DEATH GLAM X X I I I, mais un groove contagieux intact dès L4T et sa rythmique lente, sinistre et séduisante qui sent le soleil et la bouteille de tequila vide, alors que se mélangent les mirages du side-project 1969 WAS FINE et le vague souvenir de Holiday in Guadalajara. On pense souvent à PUNISH YOURSELF pour la folie, la fiesta et la violence, c'est oublier comme leurs titres plus "calmes" fonctionnent à merveille, même si le choix de JUG comme single semble logique : dans la lignée très punk de Spin the Pig, ça castagne sans fioritures, sans finasser. Si le titre semble à première écoute prévisible, on en apprécie tout particulièrement ce riff de cabaret jazzy déglingué à la Las Vegas 2060s. On n'a pas encore compris le skateboard du clip, en revanche, mais il s'agit sûrement une preuve de l'amour de vx pour les scènes grunge et neo metal (l'auteur de ces mots vit désormais sous une fausse identité). On est quand même rassurés d'entendre l'électronique reprendre son importance sur Knife, avec sa scansion vénère, ses boucles hypnotiques et les voix de klodia et vx qui se répondent jusqu'à un final à la fois bordélique et halluciné : ça c'est une chanson faite pour marcher dans la rue en ayant l'air cool tout seul, un truc genre Bowie version punk fluo.

Côté remixes, PUNISH YOURSELF a fait appel aux side-projects, on reste en famille : MOAAN EXIS, où cogne X.av, et MODGEIST, a.k.a Mickaël Charry s'y sont collés. On les reconnaît, bien sûr : le goût pour la violence et la techno industrielle des uns, les synthés hypnotiques de l'autre. On note que, loin de gonfler artificiellement la durée de l'EP, ses bonus le complètent judicieusement : si les artistes chargés de remixes ont su ajouter leur signature avec pertinence (le remix par MOAAN EXIS a parfois des airs de PUNISH des années 2000, tiens), les deux morceaux lives et leur énergie immédiatement communicative et fédératrices nous rappellent cette évidence : ce groupe-là, il faut le voir, encore et encore.

On attend désormais de voir si cet EP était annonciateur d'un truc plus long, d'autres EPs, ou juste de l'apocalypse. On verra bien. C'est aussi ça Punish : on a forcément un pied dans le passé quand tel ou tel son fait rejaillir un souvenir (la version live de Mothra Lady, quand même !) , mais aussi un oeil en direction de l'avenir, bien qu'il soit totalement chaotique et bordélique. La bestiole est en tout cas bien vivante et a plus que jamais des airs de laboratoire jouissif pour la petite bande dont la créativité est toujours aussi mordante. Trop cool.