Chronique | Our Frankenstein - Magnum Spire Hotel

Pierre Sopor 20 mai 2025

Le soleil de la Californie remplace le château Suisse en ruines : c'est là que le monstre Our Frankenstein est amené à la vie en 2013. Quelques singles, un premier album en 2020, un second en 2022, et la créature revient nous hanter avec son mélange de metal industriel, d'influences gothiques et de références horrifiques. On note pourtant avec Magnum Spire Hotel une légère évolution dans la présentation alors que les couleurs flashy et un peu rigolotes ont disparu et l'artwork nous met face à un imposant bâtiment, sorte de mélange entre la Tour de la Terreur et la Maison Hantée de DisneyLand. Le groupe prévient : nous voilà prisonniers d'un hôtel perdu dans l'espace et le temps et dont chaque étage va nous plonger dans de nouveaux niveaux de dépravation, jusqu'au grand bal du dernier étage dont nous sommes l'invité d'honneur. Pourvu que l’ascenseur fonctionne parce qu'on a déjà hâte d'arriver !

Un concept narratif doit se retrouver dans le son. Ça tombe mieux, Magnum Spire Hotel ne néglige pas ses transitions pour l'immersion et l'intro menaçante et spooky sur Arrival fait très bien le job, jusqu'à son changement de ton radical qui, déjà, sent la réception clinquante qui dissimule ses horreurs derrière chaque porte (surtout celle de la chambre 237, mais ça vous le savez déjà). Les choses commencent plutôt bien : du groove, quelques cris plus méchants et des promesses accueillantes, on sent avec le morceau-titre que la fiesta a du potentiel. On s'y lance en imaginant naïvement que c'est quand Our Frankenstein sera le plus lourd et méchant que l'on s'amusera le plus, la présence de Nero Bellum (Psyclon Nine) à l'écriture et à la production nous faisant saliver à l'avance à l'idée d'outrances sinistres.

Our Frankenstein assume son côté théâtral, quelque part entre les albums récents de Mushroomhead et le rock industriel des années 90 tapageurs et cracra (le chant de Serf nous rappelle notamment quelques croassements Mansoniens du début des 90's). On arpente alors les étages de cet hôtel comme on assiste aux différents numéro d'un cabaret, chaque titre offrant quelque chose de différent : les spectres post-punk qui hantent Judas Dance, le metal industriel plus énervé de Kerosene (finalement, contrairement à nos préjugés initiaux, pas ce que l'on préfère dans l'album) et les moments plus atmosphériques.

Contre toute attente, Magnum Spire Hotel n'est pas un album de "plaisirs coupables" bruyants et rigolos. Très vite, on se retrouve plus séduits par ses ambiances les plus lugubres : The Burden, Curtain Call, Inferno... Ces morceaux multiplient les gimmicks horrifiques (chuchotements flippants, "ssss" bien sifflants qui rappellent effectivement l'ombre de Nero Bellum, boite à musique, ambiance oppressante, guitare sèche funèbre et gros riffs écrasants...) pour un résultat aussi satisfaisant qu'inquiétant. A ce titre, le bouquet final, ce "grand bal du dernier étage" qu'on nous annonçait à la réception, Grace, est plus une marche funèbre mélancolique et amère, un truc hanté par des nappes de synthé grises et froides. C'est aussi réussi qu'inattendu et nous laisse alors avec une satisfaction double : non seulement Our Frankenstein a satisfait nos envies de spectacle et d'attractions mais y a injecté une bonne dose de noirceur qui va continuer de nous accompagner après la traversée. Bien joué !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe