Chronique | Night Club - Masochist

Pierre Sopor 29 mars 2024

Depuis un peu plus de dix ans, Emily Kavanaugh et Mark Brooks mettent des paillettes dans les ténèbres avec leur électronique teintée de mélancolie et de thèmes gentiment obscurs. Night Club est à la fois accessible, fun et séduisant : imaginez un instant que Britney Spears ou Kylie Minogue, en pleine crise d'adolescence, aient découvert des choses comme Tim Burton, La Famille Addams, Depeche Mode et The Birthday Massacre et vous aurez une idée de l'univers du duo. Les Californiens sont de retour avec Masochist, un quatrième album à nouveau mixé par l'illustre Dave ‘Rave’ Ogilvie qui a forcément dû trouver tout cela plus ensoleillé que ses travaux avec Skinny Puppy !

En parlant de soleil, c'est sous celui de Los Angeles qui Night Club a trouvé un invité de marque pour ouvrir Gone en lui donnant une teinte crépusculaire : on ignore comment Maynard James Keenan (Tool, A Perfect Circle, Puscifer) s'est retrouvé embarqué là-dedans, mais sa voix en harmonie avec celle de Kavanaugh fait toujours des miracles et, une fois que l'on se décoince, l'entendre dans un registre plus léger a quelque chose de ludique très amusant tout en ouvrant l'album sur une teinte nuancée pleine de promesses.

Ludique et amusant, Masochist l'est assurément et regorge de hits en puissance, des trucs contagieux qui ne lâcheront plus tous qui n'ont pas fui à la promesse d'autant de frivolités : Barbwire Kiss, Crime Scene, Pretty Girls do Ugly Things, Everybody Knows... On pense parfois à une version faussement plus sage d'Aesthetic Perfection, on masque les aspérités pour mieux nous piéger. Avec son vague à l'âme discret, Masochist prend parfois des airs plus théâtraux très réussis : si la reprise de Lunatics Have Taken Over the Asylum du groupe de new wave Fun Boy Three n'a pas l'étrangeté de l'originale, on se laisse volontiers embarquer par sa folie douce (et on aurait adoré entendre un accordéon, par exemple, faire basculer tout ça dans le cabaret déglingué), alors que Black December a tout du thème de générique de fin idéal, le truc à balancer dans un enterrement où tout le monde serait en robe de princesse. Le verdict est sans appel : Masochist est diaboliquement fun avec ses beats calibrés et ses paroles sinistres.

C'est là la force de Night Club : réussir à produire des morceaux en apparence lisses et superficiels à l'efficacité immédiate tout en y insufflant assez d'émotion et de noirceur pour leur donner le goût irrésistible de bonbons empoisonnés. Masochist est un titre bien choisi : oui, ça fait mal de se corrompre avec cette musique à la forme ni spécialement torturée, ni exigeante, qui pourrait finalement faire danser des moldus buveurs de mojitos, mais c'est aussi très plaisant. Bien joué Night Club, joli traquenard dont les belles nuances se cachent sous une épaisse croute de make-up : vous avez gagné, on vous laisse remplacer nos toiles d'araignée par un peu de barbe à papa.